Un rassemblement par adhésion?
BDS présente sa Campagne Internationale de Boycott comme une initiative citoyenne spontanée caractéristique de la démocratie participative où le peuple s’exprime directement (à l’instar des mouvements sociaux comme « Nuit Debout » ou « Occupy Wall-Street »). Dans le cadre des lignes de conduites définies par l’appel de 2005, une grande latitude serait laissée aux initiatives locales, régionales et nationales pour déterminer les cibles de leurs actions et les tactiques à adopter. Le mouvement présente sur le papier une organisation structurelle pour le moins assez sommaire : il ne dispose d’aucune adresse officielle, n’a pas de numéro de téléphone[1], n’a aucune existence légale et compte principalement sur les dons de ses militants pour financer ses actions. Il se donne ainsi l’image d’une proto-organisation aux structures souples et aux effectifs mouvants. Seuls les noyaux organisateurs du mouvement présenteraient un caractère durable.
A suivre cette présentation, BDS serait une formation sociale que l’on qualifierait en Sciences Politiques de « rassemblement par adhésion » et qui serait située dans le schéma du système politique, à un niveau approximativement équivalent à celui des groupes intermédiaires.
Requalification
Cette présentation, et donc a fortiori cette qualification, ne résiste cependant pas à l’analyse pour les raisons principales suivantes:
- Le lancement de la campagne de boycott date de 2005 et a donc déjà une certaine permanence. Cette présence sur le devant de la scène depuis plusieurs années contredit le caractère « spontané » qui caractérise les mouvements citoyens. Ces derniers ne peuvent espérer subsister dans la durée sans développer une structure adaptée à leurs besoins[2].
- BDS prend la forme d’une structure organisationnelle dotée de moyens financiers, matériels et humains ; elle dispose d’une organisation pyramidale du pouvoir en trois couches, un état-major, des relais intermédiaires, une base active, un financement et même une constitution (la Charte B.D.S.).
- BDS a une fonction de représentation : il se présente comme le porte-voix (porte-parole) des citoyens palestiniens et de la communauté internationale qui refusent d’admettre la politique criminelle d’Israël envers les Palestiniens. Cette fonction de représentation prend l’aspect de rassemblement (C’est le nombre de citoyens, associations, organisations syndicales et politiques qui rejoindront cette campagne qui permettra d’atteindre l’objectif politique).
- BDS a une fonction de revendication : il entend faire pression sur les gouvernements occidentaux pour qu’ils appliquent des sanctions, qui servira de levier pour contraindre à engager le gouvernement israélien dans l’application du droit international et le respect des droits des Palestiniens.
- BDS a des objectifs politiques précis ;
BDS n’est donc pas qu’une initiative citoyenne spontanée et ne peut de ce fait pas simplement être qualifié de « rassemblement par adhésion ». Le mouvement présente en réalité toutes les caractéristiques d’un « groupe promotionnel » dont l’intérêt est politique et qui exerce de manière principale une pression sur le pouvoir (à l’instar de la Ligue des Droits de l’homme ou des comités pour la dépénalisation de l’avortement). Ces formations sociales sont qualifiées en sciences politiques de GROUPE DE PRESSION.
[1] Le seul moyen pour entrer en contact avec les organisateurs du mouvement est une adresse email.
[2] Voir notamment à ce sujet: Omar Barghouti: “BDS: Discussing Difficult Issues in a Fast-Growing Movement”, in Al-Shabaka, 14/06/2014.