Cas d’étude: la campagne de boycott contre SodaStream

Cas d’étude: la campagne de boycott contre SodaStream

La campagne transnationale de boycott de l’entreprise SodaStream lancée en 2014 par le comité central BNC et relayée par ses partenaires en France permet d'illustrer la structure organisationnelle de BDS (1), les deux thèmes qui tournent en boucle ainsi que le message qu’il entend faire passer à l’opinion publique occidentale (2) de même que ses objectifs politiques (3).

La structure organisationnelle

La campagne contre SodaStream permet tout d'abord d'illustrer le rôle de des acteurs et la place qu'ils occupent à l'intérieur du mouvement de même que le mode opératoire utilisé pour toutes les campagnes de boycott.

Le rôle du BNC

Le PACBI, membre du BNC et co-fondateur de BDS, est l’initiateur de la campagne transnationale de boycott contre SodaStream. Il est au sommet de la pyramide et définit à ce titre la cible, la stratégie d'attaque.Les messages de cette campagne ont évolué au gré de l’évolution sur le terrain (déplacement de l’usine de Cisjordanie vers le territoire israélien puis rachat par la multinationale PepsiCo) et sont repris dans les communiqués du BNC publiés par le mouvement pour justifier son appel au boycott :

  • Lors du lancement de la campagne, le premier communiqué demande de boycotter l’entreprise israélienne SodaStream en raison du fait que son usine est implantée dans une colonie située en Cisjordanie occupée et exploite des travailleurs palestiniens victimes de nombreuses discriminations par rapport aux Juifs qui y travaillent.

  • Après la relocalisation de l’usine en territoire israélien, BDS envoie un deuxième message aux consommateurs occidentaux et leur demande de continuer à boycotter la société SodaStream pour deux raisons : le désert du Néguev dans lequel est implantée la nouvelle usine est originellement un ancien territoire arabe (désert du Naqab). Le désert du Néguev est donc considéré par BDS, contrairement au droit international, comme un territoire palestinien illégalement occupé. Par ailleurs, les Israéliens exproprient et exploitent maintenant non plus les Palestiniens mais les bédouins considérés eux-aussi comme des sous-hommes qui seraient en outre les victimes d’un plan machiavélique ourdi des Israéliens.

  • Après le rachat de l’usine par la multinationale américaine PepsiCo, BDS envoie un troisième message et demande de continuer à boycotter la société SodaStream car même si elle ne bât plus pavillon israélien, elle profite toujours à l’économie israélienne.

« SodaStream est toujours soumis au boycott par le mouvement mondial du BDS conduit par les Palestiniens pour les droits des Palestiniens. Sa nouvelle usine est activement complice de la politique d’Israël pour le déplacement des citoyens bédouins palestiniens d’Israël, dans le Néguev. Les mauvais traitements par SodaStream et sa discrimination à l’encontre des travailleurs palestiniens ne sont pas non plus oubliés (…). L’usine SodaStream a été montée dans l’une des plus importantes colonies de peuplement israéliennes, qui sont illégales, sur une terre volée aux Palestiniens et sur les ruines de sept villages palestiniens dont les habitants ont été chassés par la force pour laisser la place à une ville réservée aux seuls juifs, ceci en violation du droit international et d’une politique soutenue par les USA de plusieurs décennies. »

Communiqué du BNC: "SodaStream est toujours soumis au boycott", août 2o18.

Le rôle des principaux partenaires français

Les quatre partenaires français (BDS France, UJFP, AURDIP et AFPS) du comité central BNC occupent l'échelon intermédiaire de l'organisation. Ils ont pour mission de relayer la campagne de boycott de SodaStream en France, d’en diffuser les messages et d’encadrer les actions locales pour les cadrer avec les objectifs définis par le BNC. Ils traduisent en français les communiqués du BNC, délivrent les kits d’actions clefs en mains (tracts, modèle de lettre, affiches, etc.), communiquent sur les réseaux sociaux le compte-rendu des actions militantes et font remonter les victoires nationales vers le BNC qui en publie le résultat.

Rôle des militants et supporters locaux

Les militants et supporters locaux situés à la base de la pyramide sont chargés d’animer les actions locales qui se matérialisent sur le terrain de la manière suivante :

  • Organisation de journées d’actions nationales contre SodaStream : rassemblement de militants devant ou à l’intérieur de grands magasins (Darty, Auchan, Carrefour, Fnac) pour dénoncer la commercialisation de produits de la marque SodaStream.

  • Campagne pour mettre fin au partenariat du Festival d’Angoulême avec SodaStream: envoi de deux lettres ouvertes au directeur du Festival d’Angoulême pour mettre fin au partenariat avec SodaStream.

  • Pétition envoyée à l’entreprise Cordon Bleu pour mettre fin à son partenariat avec SodaStream

  • Campagne pour mettre fin au partenariat entre France Télévision et SodaStream : publication d’une tribune dans Libération, actions de militants BDS dans diverse villes de France (Paris, Toulouse, Lyon, etc.) devant les locaux de France Télévision scandant des slogans tels [1] : « Israël assassin, France 3 complice » et pour dénoncer le sponsoring par SodaStream de l’émission « questions pour un champion ».

  • Action de militants BDS dans un magasin Carrefour de Montreuil pour demander le retrait des rayons du magasin. Extrait du compte-rendu : « Après avoir rempli un caddie de produits SodaStream, nous avons dénoncé la colonisation et l’apartheid pratiqués par le régime israélien depuis 1948 contre le peuple palestinien »

BDS qui se présente comme un mouvement totalement décentralisé encourage en théorie toutes les initiatives citoyennes spontanées. Les campagnes de boycott permettent de mettre en perspective la structure et l’organisation pyramidale du mouvement. Dans la pratique, les campagnes de boycott ne sont pas aussi spontanées que BDS ne le prétend.

Le message de BDS

Les actions militantes sur le terrain (tracts, communiqués de presse, compte rendu des actions, etc.) contre l'entreprise SodaStream décrivent systématiquement Israël comme un Etat voyou, colonial, d'apartheid, criminel, tueur d'enfants, etc. Elles illustrent les deux thèmes que le comité BNC fait tourner en boucle dans toutes les campagnes ainsi que le message-clef qu'il martèle à la communauté internationale : Israël doit être vu comme Etat colonial et d’apartheid. Il s’agit d’un Etat illégitime et doit, pour cette raison, être abandonné par la communauté internationale.

Les objectifs politiques de BDS

La campagne de boycott de l’entreprise SodaStream illustre, enfin, la position politique de BDS puisque l’usine originellement implantée dans la colonie Mishor Adunim en Cisjordanie occupée a, depuis, été relocalisée à l’intérieur des frontières de l’Etat d’Israël dans le désert du Néguev et a même été rachetée par la multinationale américaine PepsiCo. Autrement dit, cette société est aujourd'hui passée sous pavillon américain et son usine est située sur le territoire israélien mais reste néanmoins pour BDS l’objet d’une campagne de boycott.

Les campagnes de boycott révèlent ainsi les objectifs du collectif palestinien tels qu’ils ont été  formulés dans sa Charte. A l’inverse de la positon adoptée par la communauté internationale, la résolution du conflit israélo-palestinien passe non pas par la création de deux Etats vivant côte-à-côte dans des frontières sûres et reconnues mais par la création d’un seul Etat au sein duquel la population de confession musulmane serait majoritaire et aurait seule le droit au retour. C’est donc la paix non pas avec Israël mais sans Israël. Les Juifs du monde entier se verraient interdire le droit de venir s’installer dans le nouvel Etat. Quant à la population de confession juive actuellement sur place, environ 7.000.000 de personnes, son sort n’est pas encore réglé.


(1) CERSP: "L'organisation pyramidale de BDS"

(2) CERSP: "Le message véhiculé par BDS dans toutes ses campagnes"

(3) CERSP: "Quelles sont les revendications de BDS?"

Comments are closed