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BDS soutient-il le processus de paix d’Oslo?

BDS se présente au public comme un mouvement pacifiste qui rechercherait une paix juste dans la région. Ce message est relayé par ses supporters notamment en France (1).

Le collectif palestinien est pourtant diamétralement opposé au « processus de paix » d’Oslo et à la solution politique du partage de la Palestine en « deux Etats vivant côte-à-côte dans des frontières sûres et reconnues« .

Le rejet du processus de paix

BDS rejette les accords d’Oslo et le processus de paix. Il se définit comme le représentant des trois composantes majeures de la société civile palestinienne : les Palestiniens vivant dans les territoires occupées depuis 1967, les réfugiés vivant en exil et les Palestiniens vivant sur le territoire israélien. Ces deux dernières composantes, 62% au total, seraient les grandes oubliées du processus de paix d’Oslo qui ne visait que les Palestiniens situés dans les Territoires occupés depuis 1967.

« Les accords d’Oslo ont privé les Palestiniens de la région de 1948 de leurs droits de représentation, ce qui a provoqué une sérieuse rupture. Au contraire, le mouvement BDS insiste sur le droit de tous les Palestiniens d’exercer l’autodétermination en tant que peuple unifié et, en tant que tel, insiste sur les droits de tous les Palestiniens, y compris les Palestiniens de 1948 ».

Source: « Omar Barghouti, l’homme à la base du mouvement BDS » publiée en juin 2015 sur le site internet de BDS France

Le rejet de la solution à deux Etats

BDS rejette la solution politique à deux Etats. Il se présente comme un mouvement radicalement antisioniste et estime la présence juive sur une partie du territoire de la Palestine historique comme totalement illégitime. Il lutte pour la « désionisation » d’Israël c’est-à-dire la fin du régime politique permettant aux Israéliens de confession juive d’être majoritaires et la fin du droit pour les Juifs du monde entier de venir s’y installer.

« Nous avons, malheureusement, perdu beaucoup de ce qui a fait le mouvement palestinien de libération nationale, pour une grande part à cause des accords d’Oslo. La direction palestinienne, avec l’approbation explicite ou implicite de la plupart des partis politiques palestiniens, a cédé les droits palestiniens fondamentaux et s’est soumise aux ordres des États-Unis et de l’Union européenne de s’adapter au maximum au régime d’oppression coloniale d’Israël »


Interview d’Omar Barghouti : « BDS: Discuter des questions difficiles dans un mouvement en plein essor », Al-Shabaka, 16/06/2016 ; voir également Interview d’Omar Barghouti publiée par l’AURDIP, 11/07/2015 : «  BDS a joué un rôle déterminant dans le changement de discours sur la question de la Palestine après plus de deux décennies d’un « processus de paix » frauduleux qui a sapé les droits des Palestiniens et a servi de feuille de vigne pour l’expansion et l’enracinement du régime israélien d’occupation, de colonisation de peuplement et d’apartheid.

Une solution à un seul Etat

BDS estime ainsi que la solution pour obtenir la paix dans la région n’est pas politique car tout dialogue avec Israël en vue du partage du territoire spolierait les droits des Palestiniens et empêcherait leur autodétermination. Selon le collectif palestinien la paix dans la région ne pourra s’établir qu’après la reddition totale des Israéliens. Raison pour laquelle il demande à la communauté internationale de bannir Israël des Nations.

Le collectif palestinien inscrit ainsi son action totalement en dehors du cadre fixé par le processus de paix. La paix passe par la création d’un seul et unique Etat sur l’ensemble du territoire de la Palestine historique avec une majorité arabo-palestinienne et le cas échéant, une minorité judéo-palestinienne. (2)

BDS n’est cependant pas très disert sur les contours futurs de cet Etat. Selon la formule consacrée de son porte-parole Omar Barghouti, « la forme étatique que les peuples de la région établiront dépendra de leur volonté et de l’évolution de leurs relations« .


(1) Tribune: « Boycotter Israël, c’est lutter pour une paix juste », Le Monde, novembre 2010

(2) Interview d’Omar Barghouti : « Face à Israël, la France est hypocrite », Le Monde, juin 2015.

Edito : Le boycott d’Israël est-il écologique?

Le parti Europe-Ecologie-Les Verts (EELV) est un des nombreux signataires de la campagne internationale de boycott de l’Eurovision de la chanson qui se déroulera en 2019 en Israël. Cette grande messe télévisuelle a quelque chose de très surprenant. Elle ne ressemble strictement à rien pour qui apprécie un tant soi peu la musique mais arrive tout de même chaque année de manière assez hallucinante à attirer et maintenir en haleine des dizaines de millions de téléspectateurs surtout au moment du décompte des voix. « Malaise dans l’inculture » dirait sans doute Philippe Val.

L’appel au boycott de ce show totalement baroque semble donc a priori une excellente nouvelle. Sauf lorsque ce n’est pas l’émission en tant que telle que l’on veut supprimer mais le pays qui l’organise. A ce moment, on entre dans une toute autre dimension qu’il convient d’expliquer.

Il existe de nombreux cas dans l’histoire où le boycott a été utilisé pour tenter de faire plier un régime, un gouvernement ou une entreprise. On peut penser aux embargos internationaux à l’encontre du régime iranien ou nord-coréen, le boycott des oranges sud-africaines, etc. N’en déplaise aux Israéliens, le boycott comme arme politique n’est pas une mauvaise idée en soi.

Les campagnes de boycott lancées par le mouvement palestinien B.D.S. depuis 2005 sont d’une autre nature. Le collectif palestinien appelle la communauté internationale à faire pression sur l’Etat d’Israël afin dit-il de le contraindre à respecter le droit international et les droits humains des Palestiniens. Présentée de la sorte, l’idée du boycott paraît assez séduisante pour les nombreux partisans de la Paix puisqu’elle introduit un rééquilibrage indispensable dans le rapport de force entre les deux belligérants : la communauté internationale, jouant enfin son rôle d’arbitre, oblige la partie la plus forte (Israël) à prendre en considération les intérêts de la partie la plus faible (Palestine) dans le cadre d’un accord global négocié devant mettre un terme définitif au conflit israélo-palestinien.

Pour B.D.S., le processus de paix d’Oslo est une imposture

Il existe cependant un problème de taille dans le raisonnement : le mouvement B.D.S. n’est pas partisan d’une résolution pacifique du conflit par la création de deux Etats indépendants vivant côte-à-côte dans des frontières sûres et reconnues. Le collectif palestinien considère que le processus de paix d’Oslo a été le coup le plus dévastateur pour la lutte palestinienne d’autodétermination, parce qu’il a conduit à un glissement de paradigme : d’une lutte d’un peuple opprimé contre ses occupants et colonisateurs, à une dispute entre groupes nationaux avec des droits et des revendications moraux conflictuels mais symétriques. Il ressort de cette grille de lecture une idée simple selon laquelle une seule partie au conflit est légitime, l’autre ne l’est pas et doit disparaître. La création de deux Etats n’est pas envisageable car elle suppose un changement de paradigme. Seule la victoire de l’opprimé sur l’oppresseur est acceptable. La seule solution au conflit passe donc par la création d’un seul et unique Etat où les Palestiniens de confession musulmane deviendraient majoritaires. Quant au sort de la minorité de confession juive dans ce nouvel Etat, il n’est pas encore tranché. Comme le dit le leader du mouvement Omar Barghouti, la forme étatique que les peuples de la région établiront dépendra de leur volonté et de l’évolution de leurs relations. Vaste programme.

Israël, Etat colonial et raciste

Le boycott peut être vecteur des meilleures comme des pires intentions, tout dépend des objectifs politiques. Dans le cas du collectif palestinien, l’arme du boycott n’est pas utilisée pour trouver un compromis mais pour éliminer l’adversaire. Les messages qui tournent en boucle dans toutes les campagnes de boycott, y compris celle concernant l’Eurovision de la chanson, ne laissent planer aucun doute sur les objectifs du collectif palestinien. Israël y est décrit ad nauseam comme un Etat « raciste », « d’apartheid », « voyou », « criminel » « assassin et tueur d’enfants », etc. Raison pour laquelle la communauté internationale doit absolument contraindre l’État d’Israël à se « désioniser », c’est-à-dire à abandonner, de gré ou de force, son caractère juif, car il induit un régime d’exception de facto raciste. Si on devait reformuler la « doctrine politique » de B.D.S. autrement, on pourrait dire que le droit à l’autodétermination du peuple palestinien passe par la négation de l’autodétermination du peuple juif.

Le rôle ambigu de certains partis politiques français

Le soutien de La France Insoumise…

De nombreux groupes intermédiaires occidentaux (partis politiques, syndicats, ONG, associations caritatives, etc.), mais également des intellectuels et des artistes, soutiennent aujourd’hui le collectif palestinien B.D.S. Ce soutien est hétéroclite (qu’y-a-t-il de commun entre une association anticapitaliste, une association islamiste et une association de la droite radicale ?), mais se retrouve sur un combat commun. Ce qui tend à démontrer que certains ont un agenda caché derrière leur soutien indéfectible à la cause palestinienne. Ainsi, par exemple, la gauche radicale se revendique par principe solidaire de tous les opprimés de la terre. Dans les faits, pourtant, son combat ne porte que sur Israël. Aussi, son soutien indéfectible et inconditionnel à la cause palestinienne au détriment de toutes les autres causes, au point d’en excuser tous les crimes commis en son nom, même les plus crapuleux, démontre bien qu’au fond des choses elle se place du côté des Palestiniens non pas parce que leur combat est légitime, mais parce que l’adversaire (Israël, suppôt du capitalisme et de l’impérialisme occidental) est clairement désigné. Elle est plus antisioniste que palestinophile. Il n’est donc pas étonnant de voir des partis politiques comme La France Insoumise (LFI) ou des syndicats comme l’UNEF adouber la lutte de B.D.S. visant à interdire aux Juifs d’avoir une partie du territoire où ils seraient majoritaires et où ils auraient un droit au retour. Ce qui compte pour ces organisations antisystèmes c’est la mise sous cloche de la minorité dominante par la majorité opprimée. Et dans cette lutte, toutes les compromissions sont possibles. Ce qu’il adviendra des deux peuples par la suite importe finalement assez peu en vertu du sacro-saint principe de non-ingérence cher à tous les altermondialistes. Jean-Luc Mélenchon et Clémentine Autin sont bien sur la même fréquence qu’Omar Bargouthi.

LFI

…Mais aussi des Ecolos

Plus curieux est le soutien apporté par le parti Europe-Ecologie-Les Verts (EELV) à la campagne de boycott contre l’Eurovision en Israël. L’électeur écologiste est en droit de s’interroger sur les raisons d’un tel soutien. Que viennent faire les Verts dans ce jeu de quilles ? Le boycott d’Israël serait-il devenu écologique ?

Il ne s’agit a priori pas d’éliminer une émission musicale en ce qu’elle se révèle être une nuisance sonore et donc mauvaise pour la santé des citoyens européens au même titre que le glyphosate. Il faut donc que les Verts clarifient leur position. Soit ils considèrent que la seule solution au conflit israélo-palestinien passe par la création de deux Etats et dans ce cas, leur soutien à B.D.S. relève au mieux de l’ignorance au pire d’un calcul électoral pour éviter de se faire dépasser par leur gauche. Si c’est par bêtise ou ignorance, ils se doivent de retirer immédiatement leur signature de l’appel au boycott de l’Eurovision et dénoncer le projet politique du mouvement B.D.S., tout en réaffirmant leur soutien à la solution de deux Etats. Soit les Verts considèrent, à l’instar des autres partis antisystèmes comme La France Insoumise (LFI) ou le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), que la seule solution au conflit qui ronge le Moyen-Orient depuis un siècle passe par la négation du droit à l’autodétermination du peuple juif sur une partie du territoire de la Palestine. Dans ce cas, il est indispensable que les Verts confirment cette position et cessent d’être ambigus sur la question. EELV devra alors clairement indiquer qu’un Etat où les Juifs sont majoritaires et où ils ont un droit au retour équivaut, comme le martèle B.D.S. dans toutes ses campagnes de boycott, à un crime contre l’Humanité.

Le boycott d’Israël est un positionnement idéologique qui sent mauvais. Plutôt que de vouloir manger à tous les râteliers en mélangeant les genres, EELV ferait mieux de bousculer violemment cette gauche aujourd’hui à la dérive et qui a fait de l’antisionisme primaire le point cardinal de son action. Cela donnerait une bonne raison de voter écolo aux prochaines élections européennes.

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BDS est-il novateur?

BDS se présente comme novateur

BDS situe son éclosion en 2005, soit « un an après l’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice qui a jugé illégal le mur qu’Israël construit sur le territoire palestinien occupé ». Partant du constat que toutes les formes de processus de paix ont échoué par la faute exclusivement imputable à l’Etat d’Israël, il propose aux Palestiniens de quitter la table des négociations et d’appliquer une nouvelle méthode pour arriver à la paix.

La stratégie novatrice proposée par BDS consisterait non plus à négocier un traité de Paix sous les auspices de la communauté internationale mais à demander à cette dernière de boycotter intégralement Israël « jusqu’à ce que ce qu’il plie et honore ses obligations de reconnaître le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination et se conforme au droit international ».

BDS inscrit cependant son idéologie, ses objectifs politiques et ses moyens d’actions dans un cadre historico-politique beaucoup plus ancien qu’il ne le prétend.

Les revendications politiques

BDS revendique la fin de la colonisation et de l’occupation de tous les territoires arabes, le retour sans conditions de tous les réfugiés palestiniens et l’égalité des droits. Ces trois revendications contiennent la négation du fait national juif et aboutissent au final au rejet de toute solution de remplacement à la libération intégrale de la Palestine.

Cet objectif politique n’est pas nouveau. La Charte palestinienne, avant qu’elle ne soit rendue caduque par Yasser Arafat, exprimait exactement les mêmes revendications : unicité du territoire et retour sans conditions de tous les réfugiés palestiniens à l’intérieur du nouvel Etat. La déclaration Balfour, le mandat sur la Palestine et tout ce qui en découle étaient ainsi également réputés nuls et non avenus. La seule différence concerne le sort des Juifs dans le nouvel Etat. Pour l’OLP, tous les Juifs devaient être expulsés du territoire. Pour BDS leur sort n’est pas encore tranché et dépendra, selon Omar Bargouthi, de la volonté des peuples !!

Le cadre idéologique

BDS inscrit sa lutte nationaliste dans le cadre plus global de la lutte altermondialiste. Le collectif palestinien revendique ainsi une filiation directe avec forum mondial des ONG organisé à Durban en 2001 en marge de la Conférence Mondiale contre le Racisme, la Discrimination, la Xénophobie et l’Intolérance – WCAR et dont le slogan était très justement : « UNITED TO COMBAT RACISM : EQUALITY, JUSTICE AND DIGNITY »[1].

Ce positionnement idéologique n’est pas nouveau. L’O.L.P. inscrivaient elle aussi le combat national palestinien, du temps de la guerre froide, dans le cadre de la lutte anticoloniale, antiimpérialiste et antiaméricaine.

La référence sud-africaine

BDS assimile sa lutte avec celle contre la ségrégation raciale en Afrique du Sud. Cette référence historique n’est pas l’apanage du seul BDS mais demeure une constante au sein du mouvement national palestinien. Ainsi le « tribunal » extra-judiciaire spécialement constitué sur la Palestine (le fameux « tribunal Russel » dont la 3ème session en 2011 s’est également tenue symboliquement en Afrique du Sud) condamne depuis des années les crimes d’apartheid commis par Israël à l’encontre du peuple palestinien. L’intifada est régulièrement comparée aux émeutes de Soweto. Les « bantoustans » (qui rappellent encore une fois l’Afrique du Sud raciale) sont évoqués pour justifier, à tort ou à raison, le rejet des différents plans de paix internationaux (notamment le Plan Clinton).

Les moyens d’actions

BDS entend arriver à ses fins par une nouvelle arme que constituerait le boycott intégral d’Israël par la communauté internationale. L’arme du boycott était pourtant déjà utilisée par l’ensemble des pays arabes à l’encontre de l’Etat d’Israël entre 1948 et 1989. Les entreprises occidentales devaient à l’époque choisir entre avoir accès au marché économique israélien (Coca-Cola, Subaru) ou aux marchés économiques arabo-musulmans (Pepsi, Toyota). Le boycott n’était pas qu’économique mais également politique (refus de reconnaître l’existence de l’Etat d’Israël), sportif (refus de rencontrer un adversaire sportif israélien), etc. Le Comité central BNC a d’ailleurs fait, lors de sa première conférence tenue à Ramallah en 2007, de la réactivation du boycott de la Ligue Arabe un axe essentiel de sa stratégie.

BDS dans la lignée du mouvement national palestinien historique

BDS se présente comme novateur mais ne l’est pas autant qu’il ne le prétend. Il a en réalité une filiation directe avec le mouvement national palestinien historique, et singulièrement l’O.L.P., tel qu’il existait avant le début du processus de paix et ce, tant au niveau de son idéologie dominante (lutte anticoloniale) que de son analyse du conflit (une seule partie est légitime, l’autre ne l’est pas et doit disparaître) et, partant, de la solution politique pour y mettre un terme (la disparition de l’Etat d’Israël et son remplacement par un Etat Palestinien sur l’ensemble du territoire avec une majorité arabo-palestinienne et, le cas échéant, une minorité judéo-palestinienne).


[1] Voir point 61 de la déclaration finale signée par les 1.500 ONG.

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Cas d’étude: la campagne de boycott contre SodaStream

La campagne transnationale de boycott de l’entreprise SodaStream lancée en 2014 par le comité central BNC et relayée par ses partenaires en France permet d'illustrer la structure organisationnelle de BDS (1), les deux thèmes qui tournent en boucle ainsi que le message qu’il entend faire passer à l’opinion publique occidentale (2) de même que ses objectifs politiques (3).

La structure organisationnelle

La campagne contre SodaStream permet tout d'abord d'illustrer le rôle de des acteurs et la place qu'ils occupent à l'intérieur du mouvement de même que le mode opératoire utilisé pour toutes les campagnes de boycott.

Le rôle du BNC

Le PACBI, membre du BNC et co-fondateur de BDS, est l’initiateur de la campagne transnationale de boycott contre SodaStream. Il est au sommet de la pyramide et définit à ce titre la cible, la stratégie d'attaque.Les messages de cette campagne ont évolué au gré de l’évolution sur le terrain (déplacement de l’usine de Cisjordanie vers le territoire israélien puis rachat par la multinationale PepsiCo) et sont repris dans les communiqués du BNC publiés par le mouvement pour justifier son appel au boycott :

  • Lors du lancement de la campagne, le premier communiqué demande de boycotter l’entreprise israélienne SodaStream en raison du fait que son usine est implantée dans une colonie située en Cisjordanie occupée et exploite des travailleurs palestiniens victimes de nombreuses discriminations par rapport aux Juifs qui y travaillent.

  • Après la relocalisation de l’usine en territoire israélien, BDS envoie un deuxième message aux consommateurs occidentaux et leur demande de continuer à boycotter la société SodaStream pour deux raisons : le désert du Néguev dans lequel est implantée la nouvelle usine est originellement un ancien territoire arabe (désert du Naqab). Le désert du Néguev est donc considéré par BDS, contrairement au droit international, comme un territoire palestinien illégalement occupé. Par ailleurs, les Israéliens exproprient et exploitent maintenant non plus les Palestiniens mais les bédouins considérés eux-aussi comme des sous-hommes qui seraient en outre les victimes d’un plan machiavélique ourdi des Israéliens.

  • Après le rachat de l’usine par la multinationale américaine PepsiCo, BDS envoie un troisième message et demande de continuer à boycotter la société SodaStream car même si elle ne bât plus pavillon israélien, elle profite toujours à l’économie israélienne.

« SodaStream est toujours soumis au boycott par le mouvement mondial du BDS conduit par les Palestiniens pour les droits des Palestiniens. Sa nouvelle usine est activement complice de la politique d’Israël pour le déplacement des citoyens bédouins palestiniens d’Israël, dans le Néguev. Les mauvais traitements par SodaStream et sa discrimination à l’encontre des travailleurs palestiniens ne sont pas non plus oubliés (…). L’usine SodaStream a été montée dans l’une des plus importantes colonies de peuplement israéliennes, qui sont illégales, sur une terre volée aux Palestiniens et sur les ruines de sept villages palestiniens dont les habitants ont été chassés par la force pour laisser la place à une ville réservée aux seuls juifs, ceci en violation du droit international et d’une politique soutenue par les USA de plusieurs décennies. »

Communiqué du BNC: "SodaStream est toujours soumis au boycott", août 2o18.

Le rôle des principaux partenaires français

Les quatre partenaires français (BDS France, UJFP, AURDIP et AFPS) du comité central BNC occupent l'échelon intermédiaire de l'organisation. Ils ont pour mission de relayer la campagne de boycott de SodaStream en France, d’en diffuser les messages et d’encadrer les actions locales pour les cadrer avec les objectifs définis par le BNC. Ils traduisent en français les communiqués du BNC, délivrent les kits d’actions clefs en mains (tracts, modèle de lettre, affiches, etc.), communiquent sur les réseaux sociaux le compte-rendu des actions militantes et font remonter les victoires nationales vers le BNC qui en publie le résultat.

Rôle des militants et supporters locaux

Les militants et supporters locaux situés à la base de la pyramide sont chargés d’animer les actions locales qui se matérialisent sur le terrain de la manière suivante :

  • Organisation de journées d’actions nationales contre SodaStream : rassemblement de militants devant ou à l’intérieur de grands magasins (Darty, Auchan, Carrefour, Fnac) pour dénoncer la commercialisation de produits de la marque SodaStream.

  • Campagne pour mettre fin au partenariat du Festival d’Angoulême avec SodaStream: envoi de deux lettres ouvertes au directeur du Festival d’Angoulême pour mettre fin au partenariat avec SodaStream.

  • Pétition envoyée à l’entreprise Cordon Bleu pour mettre fin à son partenariat avec SodaStream

  • Campagne pour mettre fin au partenariat entre France Télévision et SodaStream : publication d’une tribune dans Libération, actions de militants BDS dans diverse villes de France (Paris, Toulouse, Lyon, etc.) devant les locaux de France Télévision scandant des slogans tels [1] : « Israël assassin, France 3 complice » et pour dénoncer le sponsoring par SodaStream de l’émission « questions pour un champion ».

  • Action de militants BDS dans un magasin Carrefour de Montreuil pour demander le retrait des rayons du magasin. Extrait du compte-rendu : « Après avoir rempli un caddie de produits SodaStream, nous avons dénoncé la colonisation et l’apartheid pratiqués par le régime israélien depuis 1948 contre le peuple palestinien »

BDS qui se présente comme un mouvement totalement décentralisé encourage en théorie toutes les initiatives citoyennes spontanées. Les campagnes de boycott permettent de mettre en perspective la structure et l’organisation pyramidale du mouvement. Dans la pratique, les campagnes de boycott ne sont pas aussi spontanées que BDS ne le prétend.

Le message de BDS

Les actions militantes sur le terrain (tracts, communiqués de presse, compte rendu des actions, etc.) contre l'entreprise SodaStream décrivent systématiquement Israël comme un Etat voyou, colonial, d'apartheid, criminel, tueur d'enfants, etc. Elles illustrent les deux thèmes que le comité BNC fait tourner en boucle dans toutes les campagnes ainsi que le message-clef qu'il martèle à la communauté internationale : Israël doit être vu comme Etat colonial et d’apartheid. Il s’agit d’un Etat illégitime et doit, pour cette raison, être abandonné par la communauté internationale.

Les objectifs politiques de BDS

La campagne de boycott de l’entreprise SodaStream illustre, enfin, la position politique de BDS puisque l’usine originellement implantée dans la colonie Mishor Adunim en Cisjordanie occupée a, depuis, été relocalisée à l’intérieur des frontières de l’Etat d’Israël dans le désert du Néguev et a même été rachetée par la multinationale américaine PepsiCo. Autrement dit, cette société est aujourd'hui passée sous pavillon américain et son usine est située sur le territoire israélien mais reste néanmoins pour BDS l’objet d’une campagne de boycott.

Les campagnes de boycott révèlent ainsi les objectifs du collectif palestinien tels qu’ils ont été  formulés dans sa Charte. A l’inverse de la positon adoptée par la communauté internationale, la résolution du conflit israélo-palestinien passe non pas par la création de deux Etats vivant côte-à-côte dans des frontières sûres et reconnues mais par la création d’un seul Etat au sein duquel la population de confession musulmane serait majoritaire et aurait seule le droit au retour. C’est donc la paix non pas avec Israël mais sans Israël. Les Juifs du monde entier se verraient interdire le droit de venir s’installer dans le nouvel Etat. Quant à la population de confession juive actuellement sur place, environ 7.000.000 de personnes, son sort n’est pas encore réglé.


(1) CERSP: "L'organisation pyramidale de BDS"

(2) CERSP: "Le message véhiculé par BDS dans toutes ses campagnes"

(3) CERSP: "Quelles sont les revendications de BDS?"

La campagne de boycott en France

Les cahiers du CERSP publient une cartographie des actions militants de B.D.S. en France.

En France, la question du boycott de l’Etat d’Israël a investi en quelques années non seulement le champ politique (les circulaires Alliot-Marie et Mercier[1]), judiciaire (arrêt de la cour de cassation du 20 octobre 2015[2], tribunaux condamnant ou relaxant des militants pro-B.D.S.) mais également culturel (boycott de chanteurs, annulation de festivals) ou encore économique (désinvestissement de certaines entreprises françaises comme Véolia
et Orange), etc. Pour ses supporters français, le mouvement est en ordre de bataille : « Du Canada, à l'Australie en passant par l'Afrique du Sud, les Etats-Unis, l'Amérique latine et l'Europe, c'est un mouvement international, non-violent et populaire qui se développe. Syndicats, ONG, associations, Eglises, universités, municipalités, personnalités de renommée mondiale et simples citoyens se retrouvent pour défendre un même objectif : l'application du droit »[3].


[1] CRIM – AP
N°09-900-A4 du 12 février 2010
. Cette circulaire a été complétée en 2012 (CRIM-AP N° 2012-0034-A4).

[2] J-B. Jacquin : « L’appel
à boycotter Israël déclaré illégal 
», Le Monde, novembre 2015. Dans cet arrêt, la cour a confirmé la condamnation par la cour d’appel de Colmar de 14 militants de B.D.S. à € 28.000 de dommages et intérêts aux parties civiles, ainsi qu’à une amende de € 1.000 avec sursis pour chacun des militants. Il leur était reproché d’avoir participé à une manifestation dans un supermarché appelant au boycott des produits en provenance d’Israël. Pour la plus haute juridiction française, le délit de « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée » est bien constitué.

[3] Tribune publiée dans le monde : « Boycotter Israël, c’est lutter pour une paix juste », novembre 2010 en soutien à l’appel
palestinien « Boycott, Désinvestissement, Sanctions » de 2005 et signée en autre par Olivier Besancenot et Clémentine Autain. Voir également : A. Remion, « Le boycott économique, politique ou culturel d’Israël, une tendance en expansion », Le Huffington Post, août 2014.

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Les sympathisants de BDS

La branche internationale de BDS se compose de deux catégories d'acteurs: les principaux partenaires étrangers du BNC d'une part et les aficionados du collectif palestinien qui occupent le terrain de l'autre. Si les premiers nommés sont majoritairement des mouvements progressistes et altermondialistes classés traditionnellement à gauche de l’échiquier politique, il n’en va pas de même des sympathisants de BDS qui se situent d’un bout à l’autre du spectre politique.

Le point commun entre les sympathisants

Qu'est-ce qui est susceptible de réunir une organisation syndicale altermondialiste, une association caritative musulmane et un évangéliste chrétien?

Le point commun est leur anti-impérialisme, c'est-à-dire leur contestation du régime politique de la démocratie libérale.

La lutte contre l’impérialisme (que certains appellent la lutte contre le mondialisme) est une notion suffisamment vague pour rassembler des organisations et des individus que parfois tout oppose idéologiquement[1]. Dans les pays du tiers-monde, notamment les anciens pays colonisés et les pays arabo-musulmans, elle correspond traditionnellement au combat des peuples autochtones pour leur indépendance (la lutte anticoloniale) et vise à combattre l’Occident et ses valeurs. Dans les pays occidentaux, elle s’oppose principalement à la mondialisation sauvage mise en place par une oligarchie internationale qui veut maintenir sa domination économique, culturelle et politique sur les peuples[2].

La « doctrine » anti-impérialiste est le résultat d’un savant mélange entre la lutte des classes chère à Karl Marx et ce que certains penseurs[3] appellent le sociologisme, autrement dit la dérive de la sociologie moderne qui entend proposer une analyse globale de la société au départ d’un prisme qui opposerait systématiquement les dominants (« in-group ») aux dominés (« out-group »). Cette critique des démocraties libérales n’est pas uniquement l’apanage des mouvements altermondialistes mais trouve un écho favorable auprès d’organisations et d’individus qui se situent à l’autre extrémité de l’échiquier politique qui sont ouvertement anti-impérialistes (par ex. les adeptes chrétiens de la théologie de la libération).

Si on devait résumer leurs propos, on pourrait dire que ceux qui se retrouvent aujourd’hui dans le courant de pensée anti-impérialiste sont tous contre la démocratie représentative, les États-Unis, l’Europe libérale et Israël.

Ce qui a pour effet quasi mécanique de placer la majorité des sympathisants de BDS à l’extrémité d’au moins un des trois clivages suivants :


[1] Ainsi par exemple sur l’échiquier politique français, les partis politiques de la gauche radicale (F.I., P.C., NPA, etc.), Ecolo, l’aile gauche du PS, la droite souverainiste (du style Dupont-Aignan) et l’extrême-droite (R.N.) se proclament aujourd’hui tous ouvertement anti-impérialistes.

[2] Pour illustrer cette lutte contre
le mondialisme, voir par exemple sur la toile la déclaration finale du
forum mondial organisé à Durban en 2001 signée par 1.500 ONG.

[3] Voir notamment P. Val, Malaise
dans l’inculture
, Grasset, Paris, 2015 ; R. Boudon, La logique du
social
, Pluriel, 1983 ; R. Aron utilise également ce terme.

Le réseau international du BNC

Le comité central BNC a référencé sur le site internet du mouvement, la liste, par pays, des organisations qui sont ses principaux partenaires à l'étranger. Le BDS International.

Typologie des partenaires étrangers

BDS prétend que "des milliers d'organisations et de groupes font partie du mouvement mondial BDS".  Bien que cette information soit totalement invérifiable, un examen attentif de la liste publié par le BNC permet de catégoriser les partenaires étrangers stratégiques en cinq grands ensembles :

a) Des organisations et associations altermondialistes

Ont par ex. signé la Charte de BDS France des organisations et partis politiques de gauche radicale (Nouveau Parti Anticapitaliste (N.P.A), Front de Gauche (englobé aujourd’hui dans La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon), des organisations syndicales (CGT.-INRA, CGT Educ’action, Confédération Nationale du Travail - CNT, Confédération paysanne, Union syndicale Solidaires) et des organisations altermondialistes (ATTAC France, Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique (FASE), Organisation Communiste Libertaire).

b) Des organisations « communautaristes"

Ont par ex. signé la Charte de BDS France: Collectif des Musulmans de France (CMF), Association des Travailleurs Maghrébins en France (ATMF), Association des Tunisiens en France (ATF), Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), Font Populaire Tunisien en Ile de France, Mouvement Immigrations Banlieues (MIB), Union Française des Consommateurs Musulmans.

c) Des organisations juives antisionistes:

Ont par ex. signé la Charte de BDS France: Union Juive Française pour la Paix (UJFP), Réseau Juif International Antisioniste – IJAN (FR), Collectif judéo-arabe et citoyens pour la Palestine en France.

d) Des « amicales » pro-palestiniennes (groupes de solidarité):

Ont par ex. signé la Charte de BDS France: Association France-Palestine Solidarité – A.F.P.S., Intifada 76, etc.

e) Des organisations et associations religieuses

Ont par ex. signé la Charte de BDS France. Commission Proche-Orient de Pax Christi, Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM), etc.

Les partenaires principaux français

Il y en a quatre pour la France:

  • BDS France : coalition de plus de 60 organisations nationales et comités locaux qui ont lancé un appel pour une campagne de boycott en France.

  • Union Juive Française pour la Paix (UJFP) : association qui se présente comme "militant pour le droit au retour et contre l'impunité israélienne". Le nombre de ses membres adhérents n'est pas public.

  • Association France Palestine Solidarité (AFPS) : association qui se présente comme "dédié à la lutte pour les droits du peuple palestinien, à travers le plaidoyer et les campagnes incluant le BDS". Elle affirme compter près de 5.000 membres répartis dans 100 groupes locaux en France mais cette donnée n'est pas vérifiable.

La majorité des partenaires référencés par le BNC sont des mouvements progressistes nationaux et internationaux. La mouvance altermondialiste est ainsi indubitablement la mouvance dominante au sein de la branche internationale de B.D.S.

Essai de qualification de la structure BDS

Un rassemblement par adhésion?

BDS présente sa Campagne Internationale de Boycott comme une initiative citoyenne spontanée caractéristique de la démocratie participative où le peuple s’exprime directement (à l’instar des mouvements sociaux comme « Nuit Debout » ou « Occupy Wall-Street »). Dans le cadre des lignes de conduites définies par l’appel de 2005, une grande latitude serait laissée aux initiatives locales, régionales et nationales pour déterminer les cibles de leurs actions et les tactiques à adopter. Le mouvement présente sur le papier une organisation structurelle pour le moins assez sommaire : il ne dispose d’aucune adresse officielle, n’a pas de numéro de téléphone[1], n’a aucune existence légale et compte principalement sur les dons de ses militants pour financer ses actions. Il se donne ainsi l’image d’une proto-organisation aux structures souples et aux effectifs mouvants. Seuls les noyaux organisateurs du mouvement présenteraient un caractère durable.

A suivre cette présentation, BDS serait une formation sociale que l’on qualifierait en Sciences Politiques de « rassemblement par adhésion » et qui serait située dans le schéma du système politique, à un niveau approximativement équivalent à celui des groupes intermédiaires.

Requalification

Cette présentation, et donc a fortiori cette qualification, ne résiste cependant pas à l’analyse pour les raisons principales suivantes:

  • Le lancement de la campagne de boycott date de 2005 et a donc déjà une certaine permanence. Cette présence sur le devant de la scène depuis plusieurs années contredit le caractère « spontané » qui caractérise les mouvements citoyens. Ces derniers ne peuvent espérer subsister dans la durée sans développer une structure adaptée à leurs besoins[2].
  • BDS prend la forme d’une structure organisationnelle dotée de moyens financiers, matériels et humains ; elle dispose d’une organisation pyramidale du pouvoir en trois couches, un état-major, des relais intermédiaires, une base active, un financement et même une constitution (la Charte B.D.S.).
  • BDS a une fonction de représentation : il se présente comme le porte-voix (porte-parole) des citoyens palestiniens et de la communauté internationale qui refusent d’admettre la politique criminelle d’Israël envers les Palestiniens. Cette fonction de représentation prend l’aspect de rassemblement (C’est le nombre de citoyens, associations, organisations syndicales et politiques qui rejoindront cette campagne qui permettra d’atteindre l’objectif politique).
  • BDS a une fonction de revendication : il entend faire pression sur les gouvernements occidentaux pour qu’ils appliquent des sanctions, qui servira de levier pour contraindre à engager le gouvernement israélien dans l’application du droit international et le respect des droits des Palestiniens.
  • BDS a des objectifs politiques précis ;

BDS n’est donc pas qu’une initiative citoyenne spontanée et ne peut de ce fait pas simplement être qualifié de « rassemblement par adhésion ».  Le mouvement présente en réalité toutes les caractéristiques d’un « groupe promotionnel » dont l’intérêt est politique et qui exerce de manière principale une pression sur le pouvoir (à l’instar de la Ligue des Droits de l’homme ou des comités pour la dépénalisation de l’avortement). Ces formations sociales sont qualifiées en sciences politiques de GROUPE DE PRESSION.


[1] Le seul moyen pour entrer en contact avec les organisateurs du mouvement est une adresse email.

[2] Voir notamment à ce sujet: Omar Barghouti: “BDS: Discussing Difficult Issues in a Fast-Growing Movement”, in Al-Shabaka, 14/06/2014.

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Pourquoi le conflit israélo-palestinien est-il aussi passionnel?

Il n’existe aucune corrélation entre le conflit israélo-palestinien, aussi terrible fût-il, et le degré de mobilisation internationale qu’il suscite. C’est ce qui le rend singulier.

Les défenseurs d’Israël considèrent cette fascination éminemment suspecte. L’antisémitisme dont les Juifs seraient victimes en serait, selon eux, l’explication majeure.

Les défenseurs de la Palestine rejette catégoriquement cette explication et dénoncent même « le terrorisme intellectuel qui viserait à empêcher tout débat quant à la politique du gouvernement d’Israël et qui consisterait à taxer d’antisémite toute personne qui viendrait à critiquer celle-ci« . Ils considèrent cet intérêt international totalement légitime et pleinement justifié. L’injustice historique subie par les Palestiniens, le lourd tribut payé par la population palestinienne, la gravité de certains actes commis par les Israéliens, leur violation systématique du droit international justifieraient, à eux seuls, la centralité du conflit israélo-palestinien sur l’échelle internationale des conflits régionaux.

Une étude dirigée par Alain Soriano, Directeur du CERSP, entend proposer une autre explication.

L’étude se trouve en annexe en accès libre. Elle peut également être consultée sur le site du magazine Regards.

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L’organisation pyramidale de BDS

Le mouvement BDS est composé de deux branches, BDS Palestine et BDS Internationale. Il se structure de manière pyramidale en trois couches - supérieure, intermédiaire et inférieure - que l'on peut expliciter de la manière suivante.

Les deux branches

  • La branche palestinienne est composée des 172 organisations et associations palestiniennes signataires de la Charte BDS de 2005 appelant la communauté internationale au boycott intégral d’Israël.

  • La branche internationale regroupe un ensemble hétéroclite de supporters étrangers (partis politiques, ONG, syndicats, associations caritatives, etc.) ayant répondu à l’appel de BDS Palestine. Ces partenaires et militants étrangers relayent les campagnes de boycott orchestrées par le collectif palestinien dans leurs pays respectifs.

Une organisation pyramidale

BDS est un mouvement fortement centralisé organisé sous une forme pyramidale comportant trois échelons :

Echelon supérieur : le comité central BNC

A l’échelon supérieur se trouve un comité central, le comité National Palestinien du BDS (BNC) qui représente les 172 organisations palestiniennes signataires et qui administre et gère la Campagne Internationale de boycott. Le comité joue un rôle central et centralisateur.

a) Son rôle central

Le BNC est le véritable garant des objectifs politiques définis par les 172 signataires et prend des décisions qui engagent l'ensemble des partenaires étrangers qui soutiennent la Campagne.

b) Son rôle centralisateur

Le BNC accompagne le développement du mouvement à l’international en fédérant ses partenaires étrangers autour de campagnes transnationales et en fixant le motus operandi de leurs campagnes nationales [1]. Le BNC détermine la stratégie globale : les cibles stratégiques[2], les actions prioritaires, les objectifs à court, moyen et long terme, les résultats attendus, etc. Il leur propose des kits complets de boycott[3] comprenant en vrac : la position officielle de B.D.S. sur le boycott, ses raisons et ses justifications, la liste des cibles israéliennes à boycotter, des idées d’actions, un argumentaire pour contredire les anti-B.D.S. (les « F.A.Q. »), un matériel militant (des lettres-type), etc.

L’illustration de cette extrême centralisation du mouvement peut être trouvée dans le boycott académique. Le PACBI demande aux universitaires et intellectuels européens et américains de boycotter les institutions académiques israéliennes et liste lui-même les principales cibles : les projets académiques parrainés par Israël, les discours y compris les débats tenus par des représentants de l’État d’Israël, les programmes d’échanges et les programmes d’études à l’étranger avec les universités israéliennes, les cérémonies de récompenses remises aux officiels de l’État d’Israël ou aux institutions israéliennes complices ou à leurs représentants, etc.

« Le mouvement BDS est un mouvement extrêmement centralisé au niveau international à partir de son centre palestinien. Il traduit une conception verticaliste de la solidarité. Les différences personnes ou organisations qui désirent boycotter l’Etat d’Israël sont sommées de respecter un règlement particulièrement rigoureux et détaillé qui reflète en réalité une plate-forme politique déterminée parmi les différentes positions qui existent au sein du mouvement national palestinien. Il faut remonter à la grande époque du Congrès mondial des partisans de la Paix en 1949, cette émanation de l’URSS portée par l’ensemble des partis communistes dans le monde, pour trouver quelque chose d’équivalent ».
Jean Vogel: «  Propos hérétiques sur le « Boycott, Désinvestissement, Sanction (BDS) envers Israël« , Politique, décembre 2018.

Echelon intermédiaire : Les partenaires étrangers "officiels"

A l’échelon intermédiaire se trouvent les partenaires étrangers répertoriés sur le site internet du collectif (www.bdsmovement.org). Ces organisations étrangères reconnues par le BNC jouent le rôle de courroie de transmission entre le sommet et la base du mouvement. Elles relayent tout d’abord dans leurs pays les actions transnationales de boycott commanditées par le collectif palestinien[4. Elles soutiennent ensuite l’action de BDS au niveau international (à l’occasion de forums sociaux, conférences internationales, pétitions, etc.)[5]. Elles organisent, enfin, des campagnes et des actions militantes dans leur pays en se conformant au programme déterminé par le B.N.C. puis en font remonter les résultats. Certains partenaires étrangers ont reçu l’insigne honneur de pouvoir officier sous la bannière de BDS (BDS France, BDS Autriche, BDS Suisse, etc.) tandis que d’autres sont simplement référencés comme des partenaires privilégiés.

Echelon inférieur: les supporters

Les organisations et associations nationales, régionales de même que les centaines de comités locaux de soutien qui participent activement aux campagnes de boycott constituent la couche inférieure du mouvement. Ce sont de simples revendeurs indépendants, c’est-à-dire des entités qui gravitent autour de la sphère BDS et en tirent un certain profit sans toutefois en faire officiellement partie. Elle est composée d’individus n’ayant aucun pouvoir de décision, au mieux un pouvoir de suggestion et dont l’action sur le terrain doit systématiquement être validée par la couche intermédiaire qui elle-même respecte les lignes de conduites édictées au sommet de l’organisation par le BNC.


[1] Pour une explication détaillée du mode opératoire des campagnes de boycott voir: "CERSP: "Le boycott économique d'Israël par BDS".

[2] Dans une interview, Omar Barghouti rappelle que « Les trois critères généraux recommandés par le BNC palestinien dans le choix des cibles stratégiques sont : primo, le degré de complicité – concentrer son attention sur les sociétés et produits qui sont le plus clairement et directement impliqués dans les violations des droits de l’homme par Israël et les plus aisés à expliquer à un large public. Secundo, la possibilité d’alliances entre mouvements : donner la priorité aux sociétés ou produits qui rendent possible la création de larges alliances de luttes conjointes. Par exemple, la campagne visant à faire cesser les contacts avec la société israélienne de l’eau, Mekorot, engage un large éventail de campagnes pour l’environnement et contre la privatisation. Et, tertio, le potentiel de succès : une campagne BDS devrait avoir une chance réaliste de succès, en sus d’accroître simplement la conscientisation, en étant par exemple à même de persuader une société ou institution internationale de cesser de soutenir une société israélienne ».

[3] Ces kits sont disponibles sur le site officiel de BDS sous les rubriques : « Academic boycott », « Cultural boycott » et « Economic boycott ».

[4] Il en va notamment ainsi des campagnes de boycott en vue d’exclure Israël des programmes internationaux comme le programme européen Law train, Horizon 2000 ou encore l’Accord d’Association EU-Israël, des campagnes de boycott économique dirigées contre des sociétés israéliennes comme SodaStream ou Ahava ou des campagnes de boycott économique dirigées contre des entreprises multinationales occidentales comme G4S, Caterpillar ou encore H.P.).

[5] Voir notamment sur le sujet : la missive signée par  358 organisations européennes de défense des droits de l’Homme, des églises, des syndicats et des partis politiques adressée à la Commission européenne pour dénoncer la tentative de criminalisation de BDS et marquer leur soutien au collectif palestinien ; La déclaration de la F.I.D.H. reconnaissant et réaffirmant le droit des personnes à participer pacifiquement et à appeler à des mesures de BDS pour protester contre les politiques d’occupation et de discrimination du gouvernement israélien.