Mandela plus chic que Y. Arafat ?
La révélation d’une filiation cachée n’est jamais un moment agréable pour un personnage public. On a encore en mémoire la découverte de Mazarine, la fille cachée de François Mitterrand et du scandale d’Etat qui s’ensuivit ou encore de l’exhumation de l’acteur Yves Montand pour un test ADN qui se révéla négatif. Plus près de nous, l’ex-roi des belges Albert II tremble à l’idée même de devoir subir un test de paternité. La divulgation d’un adultère peut définitivement ternir l’image que l’on a construite pendant de longues années auprès de ses admirateurs.
Une image positive par la grâce de N. Mandela
Il en va de même pour le mouvement BDS. Le collectif palestinien martèle à longueur de tweets et de messages qu’il existe un lien historique entre son combat et le mouvement de lutte contre la ségrégation raciale d’Afrique du Sud. En plaçant ses actions militantes dans le sillon de celles réalisées par l’ANC de Nelson Mandela qui bénéficie d’une aura mondiale, le collectif palestinien cultive une image de mouvement pacifiste et non-violent auprès de l’opinion publique occidentale qu’il entend rallier à sa cause. Non sans un certain succès.
Une filiation non avouée
Il existe pourtant une autre filiation que le collectif palestinien passe curieusement sous silence. La fin de l’occupation et de la colonisation de tous les territoires arabes actuellement occupés, y compris donc Tel-Aviv et Haïfa couplée au retour sans conditions de tous les réfugiés palestiniens réclamées par BDS sont en tout point identiques aux revendications de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) avant que son leader emblématique Yasser Arafat ne décide de rendre la Charte de la branche principale du mouvement national palestinien historique caduque en 1988. Rappelons que c’est ce premier geste d’ouverture du côté palestinien, couplé à une forte pression américaine, qui a finalement décidé les Israéliens à s’asseoir à la table des négociations. Depuis, l’OLP a été intégrée au sein de l’Autorité Palestinienne et adhère, au moins officiellement, à la résolution du conflit par la création de deux Etats.
Pour BDS en revanche, le partage de la Palestine de 1947 et la création de l’Etat d’Israël sont nuls et non avenus quel que soit le temps écoulé depuis cette date, étant donné qu’ils ont été opérés contre la volonté du peuple palestinien. Ce positionnement est donc clairement un retour en arrière. La Charte de BDS n’est qu’une resucée 2.0. de la Charte de l’OLP et ce, tant au niveau de son idéologie dominante (lutte anticoloniale) que de son analyse du conflit (une seule partie est légitime, l’autre ne l’est pas et doit disparaître) et, partant, de la solution pour y mettre un terme à savoir la disparition de l’Etat d’Israël et son remplacement par un Etat Palestinien sur l’ensemble du territoire avec une majorité arabo-palestinienne et, le cas échéant, une minorité judéo-palestinienne.
Une légère différence quand même
Une légère différence programmatique existe cependant entre les deux chartes et elle concerne le sort réservé à la minorité de confession juive (aujourd’hui environ 7,000,000 de personnes) dans le nouvel Etat de Palestine majoritairement musulman. L’OLP annonçait clairement la couleur en prévoyant l’expulsion par la force de tous les Juifs à l’exception de ceux qui étaient présents avant la déclaration Balfour (1917). BDS n’a, lui, pas encore tranché. Comme le dit son leader Omar Bargouthi, la forme étatique que les peuples de la région établiront dépendra de leur volonté et de l’évolution de leurs relations. Il y a donc progrès !
N. Mandela assurément plus chic que Y. Arafat
BDS n’annonce jamais à ses sympathisants occidentaux qu’il s’inscrit dans la filiation historique de l’OLP dans sa ligne la plus dure. Il préfère associer son image à celle positive de Nelson Mandela et l’A.N.C. qui préconisaient une révolution non violente et une coexistence pacifique entre Blancs et Noirs plutôt qu’à Yasser Arafat et l’OLP qui prônaient la lutte armée, la disparition de l’Etat d’Israël et l’expulsion de tous les Juifs par la violence comme solution au conflit. Mais peut-on leur donner tort ? Nelson Mandela, c’est quand même plus chic que Yasser Arafat.
Une image écornée?
En affirmant sa filiation sud-africaine plutôt que sa filiation avec l’OLP, le collectif palestinien entend brouiller le message qu’il adresse à l’opinion publique occidentale sur ses objectifs politiques réels (la fin du projet sioniste et la disparition de facto de l’Etat d’Israël). Il existe en effet une différence majeure, totalement passée sous silence dans tous les messages et tweets de BDS, entre la lutte menée en Afrique du Sud contre le régime politique d’apartheid et la lutte menée contre les sionistes. L’Etat sud-africain n’a pas disparu avec la capitulation des Afrikaners (pas plus que l’Etat espagnol n’a disparu avec la fin du régime franquiste ou l’Etat français après la disparition du régime vichyste). Dans le cas du combat contre le régime sioniste, la victoire passe également par la disparition de l’Etat d’Israël.
De nombreux sympathisants occidentaux soutiennent aujourd’hui le mouvement BDS en pensant à Mandela. Mais sont-ils au courant des véritables intentions du collectif palestinien et de sa filiation cachée ? Est-ce réellement un mouvement pacifiste et non-violent comme ils le pensent ?
S’ils pouvaient se poser la question ce serait déjà un bon début.