Le débat fait rage pour déterminer si LFI est un parti antisioniste ou antisémite. Pour ses pourfendeurs, l’obsession d’Israël au détriment de toutes les autres causes dans le monde est la preuve que son antisionisme n’est que la face cachée de son antisémitisme. En revanche, pour ses partisans, le parti est radicalement antisioniste mais se défend de tout antisémitisme. Mathilde Panot rappelle à cet effet qu’aucun des dirigeants de LFI n’a jamais été condamné pour des propos ou des actes antisémites (BFM TV, 21/06/2024). Ce faux procès en antisémitisme serait en réalité une cabale lancée par les officines sionistes contre LFI pour faire taire toute critique à l’encontre de l’Etat d’Israël.
La réponse est peut-être plus complexe que la position des uns ou des autres ne le laisse entendre.
Des « punchlines » relayant des poncifs et clichés antisémites.
LFI, dans sa communication envers son public, flirte constamment avec des poncifs et clichés antisémites. On se rappelle bien entendu du fameux dérapage assumé de Jean-Luc Mélenchon sur le « lobby juif » (« Retraite à points, Europe allemande et néolibérale, capitalisme vert, génuflexion devant les ukases arrogants des communautaristes du CRIF : c’est non »). Ou du commentaire acéré du député Aymeric Caron, ramenant Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée Nationale à sa judéité supposée et ainsi au vieux trope antisémite de la double allégeance (« le soutien inconditionnel réélu au perchoir. La honte »).
La longue liste des sorties polémiques est désormais suffisamment documentée pour en décrypter l’intention. Elles ont un sens bien précis et sont très bien comprises par le public visé. Tout en restant juste en-deçà d’un propos injurieux qui tomberait sous le coup de la loi.
Bref, l’art de la communication politique.
La position radicalement antisioniste du parti
LFI se définit comme un parti radicalement antisioniste. Pour le dire assez simplement, elle considère le projet sioniste comme une entreprise criminelle coloniale et Israël comme un pays illégitime. La présence d’un Etat Juif sur toute ou partie de la Palestine équivaut à un crime d’apartheid, c’est-à-dire un crime contre l’humanité.
Remettre en question l'existence même de l'Etat d'Israël est-il antisémite ? Cela tombe en tout cas dans la définition opérationnelle de l’antisémitisme de l’IHRA approuvée le 3 décembre 2019 par l'Assemblée nationale et le 5 octobre 2021 par le Sénat français.
Les communautés juives rendues seules responsables de l’antisémitisme
LFI affirme que l’antisémitisme est devenu résiduel en France. Le racisme systémique serait ajourd'hui dirigé non plus envers les Juifs mais envers les personnes racisées.
Elle admet en revanche une corrélation entre les actes malveillants à l’encontre des communautés juives de France et le conflit au Moyen-Orient. Mais, dit-elle, c’est le soutien des communautés juives de France à Israël qui expliquerait la flambée des actes antijuifs en France. Les Juifs de France sont attaqués, non pas en tant que Juifs, mais en tant que complices d’un Etat criminel.
Et c’est là la véritable ambigüité de LFI sur l’antisémitisme : en décidant d’axer sa dernière campagne électorale européenne de 2024 sur le thème exclusif du « génocide à Gaza », elle savait pertinemment bien que cela allait exacerber le ressentiment antijuif du public racisé qu’elle visait. Mais face à la flambée des actes antisémites, elle se défend ensuite de tout antisémitisme en rejetant la faute sur les communautés juives elles-mêmes.
LFI est issue d’une famille politique qui a des relents antisémites
La position acèrbe de LFI sur les communautés juives n'est pas le fruit du hasard. Seuls les individus juifs ayant fait sécession avec leur communauté sont dignes d’éloges. Dans l’idéologie primaire marxiste, les communautés juives, c’est-à-dire les Juifs en tant que groupe social, sont du côté du pouvoir dominant. Le mythe du Juif banquier n’est pas l’apanage de la seule extrême-droite. Il faut pouvoir relire « La Question juive » de Marx pour s’en convaincre.
Il y a aussi une histoire de l’antisémitisme à gauche.
LFI est dans une idéologie qui prône la révolution par la violence
Fidèle à la conception léniniste, LFI se voit comme l’élite révolutionnaire, le parti qui va guider le peuple vers la révolution. Pour cela, elle doit exciter le peuple pour que celui-ci prenne conscience de sa condition, se révolte et renverse le pouvoir par la force. Que les communautés juives soient les premières victimes de la révolte populaire contre le pouvoir dominant est totalement en phase avec l’idéologie dominante.
Le processus de déshumanisation des Juifs est de nouveau en marche. Les Juifs d’Israël sont aujourd'hui traités par LFI comme des génocidaires, donc des nazis.
Et, pour LFI, cette réthorique vaut également pour les citoyens français de confession juive qui manifestent leur soutien au droit à l’existence de l’Etat d’Israël. Ceux-là sont les complices d’un Etat génocidaire. Coupables, jamais victimes. C’est la signification de la petite expression que l’on entend systématiquement dans la bouche des partisans de LFI après chaque attentat contre un Juif en France ou dans le monde. Le fameux « Oui, mais ».
En cela LFI est bien un parti antisémite.