Les « accords de paix » d'Oslo, symbolisés par la célèbre poignée de main entre Itzhak Rabin et Yasser Arafat le 13 septembre 1993 dans les jardins de la Maison-Blanche visaient à résoudre le conflit israélo-palestinien en créant deux États coexistant en paix et en sécurité.
Avec le temps, ces fameux accords ont perdu tout leur sens et sont en état de mort cérébrale depuis plus de 20 ans. Le massacre perpétré par le Hamas contre les Juifs le 7 octobre 2023 a cependant relancé le débat sur une solution durable au conflit. La communauté internationale persiste à soutenir cette « solution à deux États » comme la voie politique incontournable.
Les vices cachés des accords d’Oslo
Les accords d’Oslo ont été signés dans un contexte historique caractérisé par la chute du mur de Berlin en 1989 et l’émergence d’un monde unipolaire dirigé par les Etats-Unis. Dans une époque marquée par la victoire idéologique de la démocratie libérale sur les autres idéologies politiques (la fin de l’histoire selon la célèbre formule de Francis Fukuyama), l'accent est mis sur la promotion des valeurs occidentales par de vastes accords économiques de libre-échange avec le reste du monde. Bref, la démocratie libérale comme horizon politique indépassable. Shimon Peres rêve de voir un Proche-Orient pacifié et prospère, inspiré par le modèle européen.
Malgré leurs grandes ambitions, les accords d’Oslo étaient condamnés à échouer dès le début en raison de vices cachés. L'échec résulte principalement de leur philosophie libérale qui présumait que les deux États seraient démocratiques et coexisteraient pacifiquement, révélant ainsi un ethnocentrisme occidental.
La première erreur : deux états démocratiques
La première erreur des Occidentaux fut de croire que les deux peuples aspiraient à vivre, comme eux, dans une démocratie libérale.
Du côté israélien
Du côté israélien, ce postulat de départ avait un certain sens. L'État d'Israël s'est construit sur le modèle des démocraties occidentales : séparation des pouvoirs, élections libres, égalité citoyenne, etc. Ces principes libéraux sont proclamés dans la Déclaration d'Indépendance de 1948 (« L’État d’Israël assurera une égalité complète [...] à tous ses habitants sans distinction de religion et de race ou de sexe ») et forment le pacte social fondateur de l’Etat hébreu.
La démocratie israélienne, imparfaite comme toutes les autres, a ainsi fonctionné tant bien que mal jusqu'au coup d'État judiciaire perpétré par la coalition gouvernementale élue en 2022. Au lendemain de ces funestes élections, une prise de conscience soudaine a eu lieu parmi la moitié des Israéliens : l'autre moitié voulait remettre en cause les valeurs libérales et, par conséquent, le pacte social fondateur de l'État hébreu.
L’avenir d’Israël dans le camp des démocraties occidentales est ainsi clairement posé. La partie se jouera ces prochaines années. Si les forces démocratiques gagnent, elles devront alors terminer ce que les « pères fondateurs » avaient commencé, à savoir graver définitivement dans le marbre (via une véritable Constitution) les principes libéraux qui fondent le pacte social. Si les forces messianiques l'emportent, Israël ressemblera en revanche en tout point aux pays voisins.
Du côté palestinien
L'idée des Occidentaux d'une Palestine démocratique était par contre irréaliste dès le départ. Bien que les « pères fondateurs », comme Yasser Arafat, aient inscrit leur lutte nationaliste dans les idéaux laïcs du tiers-mondisme, le leadership palestinien s’est depuis longtemps détourné de cette voie. La lutte nationale palestinienne s’est construite en opposition aux valeurs occidentales. L'instauration d'une démocratie libérale en Palestine n'a jamais été envisagée. Les Palestiniens, ainsi que d’autres peuples de la région, aspirent souvent plus à la religion qu’à la démocratie libérale, une tendance confirmée lors des « printemps arabes ».
Deuxième erreur : la paix
La deuxième erreur coupable des Occidentaux a été de croire que l'opposé de la guerre devait absolument être la paix. Or, les divergences entre les parties étaient trop considérables : frontières, réfugiés, Jérusalem, etc. Les Occidentaux auraient mieux fait d'adopter la perspective de Raymond Aron et de chercher une situation de "non-guerre" plutôt que de s'obstiner sur une paix totale.
Et l’avenir ?
Le dernier vestige des accords d’Oslo, le dernier pilier encore debout, demeure l'accord de sécurité entre l'Autorité Palestinienne et Israël. Le territoire est divisé en trois zones : la zone A sous contrôle palestinien, la zone B à sécurité mixte, et la zone C sous contrôle israélien. La zone A s'est progressivement réduite au strict minimum.
Et c’est en s’appuyant sur ce dernier pilier qu’il va falloir reconstruire un avenir sans guerre, ce qui suppose la réunion de 4 conditions :
- Un Israël définitivement ancré dans le camp occidental, le seul susceptible de faire taire les plus radicaux de son camp et aboutir ensuite à un accord avec les Palestiniens. Un Israël messianique entraînerait, lui, une guerre civile et un conflit perpétuel avec les Palestiniens.
- Une expansion des zones A, qui sont les plus densément peuplées de Cisjordanie et de Gaza où la sécurité serait administrée par la l’Autorité Palestinienne. Ces nouvelles zones A pourraient même englober les villages arabes israéliens actuels. En contrepartie, les colonies de Cisjordanie demeureraient, elles, sous contrôle sécuritaire israélien.
- Renommer ces nouvelles zones A sous le nom de « Palestine ». Ce ne sera pas un acte motivé par un amour particulier pour les Palestiniens de la part des démocrates israéliens. Ils prendront cette décision par souci pour l'avenir de leurs propres enfants. Et de toute manière, aucun israélien n’avait l’intention d’aller faire ses courses à Gaza, Jenine ou Ramallah dans un futur proche.
- La signature, non pas d’un « accord de paix » mais uniquement d’un accord sécuritaire entre Israël et une Autorité Palestinienne, à charge pour cette dernière de combattre les factions islamistes extrémistes dans les zones A sous son autorité. Cela signifierait un régime autoritaire (c’est-à-dire non-démocratique) en Palestine, permettant aux dirigeants palestiniens de s'enrichir impunément comme contrepartie. Comme c’est le cas en Algérie ou en Egypte. En somme, une Palestine construite à l’image des autres pays de la région. Ni plus, ni moins.
Tel est le seul horizon politique indépassable au Proche-Orient.