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La compétition électorale

30/07/2023 Commentaires fermés sur La compétition électorale By CERSP

Il est possible de définir assez simplement la démocratie : il s’agit d’un régime politique où le peuple est le souverain. Mais cette définition aboutit immédiatement à une impasse puisque la plupart des régimes actuels, même les plus autoritaires (Russie, Chine, Iran, Algérie, etc.), font référence au peuple.

La démocratie pourrait alors être définie comme le régime où le peuple assure son propre commandement, préside lui-même à sa propre destinée. C’est la célèbre formule d’Abraham Lincoln « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », chère aux « gilets jaunes » en France. Son idéal-type est la démocratie directe athénienne antique où les citoyens réunis sur la place publique (agora) prenaient ensemble les décisions concernant la vie de la cité. D’autres évoquent aujourd’hui d’autres formes comme la démocratie participative, les conventions citoyennes où les citoyens sont tirés au sort,

Mais ces modèles de démocraties présentent un inconvénient majeur en ce qu’elle ne sont praticables que dans des sociétés de petites tailles. C’est une banalité de le dire mais, dans nos sociétés nombreuses et complexes, il n’est pas possible de demander l’avis de plusieurs dizaines de millions de personnes sur chaque décision impactant la collectivité. On pourrait, certes, imaginer que les outils technologies modernes le permettent. Après tout, Elon Musk fait bien voter des millions de personnes sur des questions relatives à la manière de piloter de ses entreprises commerciales (« X » et Tesla). Pourquoi un Etat ne pourrait-il pas en faire de même et interroger les citoyens via les réseaux sociaux lorsqu’il doit déterminer le différentiel de taux de change (le spread) USD/EUR? Mais il faut reconnaître que tout le monde n’a pas un avis sur tout ni encore moins l’expertise pour donner une opinion avisée sur toutes les questions qui lui seraient posées.

Cette seconde définition de la démocratie se fracasse donc elle aussi sur l’autel de la réalité : il n’existe aucun régime politique au monde où le commandement est exercé directement par des dizaines de millions de personnes. Dans tous les régimes existants, le pouvoir du peuple est délégué dans les mains de quelques personnes. Et le régime démocratique ne fait pas exception.

Le régime démocratique n’est pas le régime idéal ou vertueux d’où le désenchantement de certains. Mais il faut cesser de considérer la démocratie pour ce qu’elle n’est pas et ce qu’elle ne pourra jamais être. Pour paraphraser Winston Churchill, la démocratie c’est simplement le moins mauvais de tous les régimes politiques.

Ce qui caractérise une démocratie libérale n’est donc pas son caractère oligarchique. Sa spécificité doit être recherchée dans la façon dont le peuple souverain délègue son pouvoir à la classe politique.

Dans une démocratie libérale, le peuple souverain organise une compétition électorale pour désigner celui qui exercera le pouvoir au nom de l’ensemble de la collectivité.

La plupart des autres régimes politiques organisent également des élections pour désigner leurs gouvernants. Peu importe que l’élection soit truquée, qu’il n’y ait qu’un seul candidat ou que ce dernier remporte 99% des suffrages. L’élection assure une certaine légitimité au vainqueur. Mais dans une démocratie libérale, cette légitimité n’est accordée que lorsque la compétition électorale rencontre une série de critères :

  • Les règles du jeu de la compétition doivent être fixées par la loi et être respectées par les candidats qui savent ce qu’ils peuvent faire et ce qui est interdit de faire.
  • Il doit y avoir pluralité de candidats afin de refléter les opinions diverses de la société civile. Une élection où un candidat se présente seul devant les électeurs ne peut pas être qualifiée de compétition mais suggère plutôt que les autres candidats aient été mis hors du jeu.
  • La compétition doit être pacifique. Dans une société démocratique, il est normal que les différents points de vue s’affrontent librement et que le débat soit animé. Pour Montesquieu, « toutes les fois que l’on verra tout le monde tranquille dans un Etat qui se donne le nom de République, on peut être assuré que la liberté n’y est pas ». Mais le débat doit rester pacifique. L’utilisation de la mitraillette ou du coup d’état nous fait sortir de la démocratie. Comme par exemple au Niger où le chef de la garde présidentielle, le général Tiani, a renversé le pouvoir en place et s’est autoproclamé en 2023 nouvel homme fort du pays.
  • La victoire dans les urnes assure la légitimité du vainqueur. En démocratie, il est de tradition que le perdant accepte sa défaite en téléphonant au vainqueur pour le féliciter et surtout le fasse savoir publiquement afin de s’assurer que le camp défait ne conteste pas immédiatement la légitimité du gagnant. Lorsqu’au Etats-Unis, Donald Trump refuse de reconnaître à sa défaite électorale en 2022, il s’attaque à l’un des piliers de la démocratie qu’est le transfert pacifique du pouvoir. (1)
  • L’opposition est légale, ce qui suppose que le perdant puisse contester les décisions qui seront prises par le gouvernant au cours de son mandat sans risquer la mort ou la prison. Que l’on puisse ne pas être d’accord avec les gouvernants est un phénomène relativement rare dans l’histoire de l’humanité et qui différencie la démocratie libérale de tous les autres régimes politiques. Au Maroc, la Constitution prévoit une peine de prison ferme pour toute offense à la monarchie. Un homme a ainsi écopé de 5 ans de prison en raison de publications sur Facebook où il dénonçait la normalisation du Marco avec Israël (la politique extérieure étant une prérogative du Roi, la publication litigieuse a donc été considérée comme une offense à ce dernier) (2)
  • Le vainqueur de l’élection a le droit d’exercer temporairement (pro tempore) le pouvoir. Un régime démocratique présuppose que celui qui détient le pouvoir ne se croit pas destiné à le détenir indéfiniment. Après une certaine durée fixée par la loi, il doit solliciter le renouvellement de son mandat auprès du peuple souverain et accepter, le cas échant, de laisser l’exercice du pouvoir à l’opposition. L’alternance au pouvoir est donc consubstantiel au régime démocratique. Lorsque dans un régime celui qui gagne empêche le perdant d’avoir une nouvelle chance on sort de la démocratie car automatiquement on a mis hors la loi l’opposition.  C’est le cas de la Tunisie, par exemple où en 2021, Kaïs Saïed , prétextant l’existence d’un « péril imminent », en pleine crise politique et sanitaire (liée à l’épidémie de Covid-19), pour s’octroyer les pleins pouvoirs, selon une lecture personnelle de l’article 80 de la Constitution, qui permet le recours à des mesures « exceptionnelles ». Le président tunisien avait alors démis de ses fonctions le chef du gouvernement et suspendu les travaux du Parlement, empêchant même les députés de s’y réunir, avec l’aide de l’armée. Quelques mois plus tard, il élargissait encore son pouvoir en suspendant la Constitution, avant de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature puis l’Assemblée des représentants du peuple  (3)

 

(1) L’inéluctable heure de vérité pour la démocratie aux Etats-Unis, Le Monde, 3 août 2023

(2) Au Maroc, un homme condamné à cinq ans de prison pour « offense à la monarchie » après des posts sur Facebook, Le Monde, 3 août 2023

(3) Monia Ben Hamadi, Tunisie : après deux ans de pleins pouvoirs, Kaïs Saïed toujours populaire et populiste, Le Monde, 26 juillet 2023

La théorie des clivages sociaux

Le schéma théorique développé par Stein Rokkan et Seymour Martin Lipset sur les clivages sociaux demeure à ce jour la grille de lecture principale du système socio-politique belge.

Selon ces auteurs, l’évolution politique de l’Europe fût historiquement affectée par trois révolutions successives : la révolution nationale, la révolution industrielle et la révolution internationale. Les deux premières coupent le système politique dans  un plan qui suit deux axes conflictuels : un axe « territorial-culturel » et un axe « fonctionnel ». La révolution nationale fait apparaître, dans la dimension fonctionnelle, la contradiction Eglise/Etat, et dans sa dimension territoriale-culturelle, la contradiction centre/périphérie. La révolution industrielle, quant à elle, engendre la contradiction entre les possédants/travailleurs dans la dimension fonctionnelle et la contradiction secteur primaire/secteur secondaire dans la dimension territoriale-culturelle. L’histoire de l’Europe depuis le début du XIXème siècle se résume à l’évolution de l’interaction entre ces deux processus révolutionnaires.

Ces quatre contradictions engendrent alors des conflits fonctionnels à caractère suprastructurel (conflits philosophiques) ou à caractère infrastructurel (conflits de classe), ainsi que des conflits territoriaux à caractère suprastructurel (conflits communautaires) ou infrastructurel (conflits avec le monde rural marginalisé par une économie urbaine industrielle).

Enfin, l’institutionnalisation de ces grands conflits engendre à son tour quatre clivages fondamentaux sur les versants desquels s’enracineront des familles politiques porteuse d’un projet spécifique.

Cette théorie constitue à l'heure actuelle, la meilleure clef d'analyse du système politique belge qui est caractérisé par l'existence de trois grands familles politiques - chrétienne, libérale et socialiste - quadrillant l'ensemble de la société civile et organisant en "mondes" parallèles (constitués en partis, de syndicats, de mutuelles, d'organisations de jeunesse, voire d'associations sportives et culturelles). Ce processus de stratification verticale trouve son origine dans la formation et le recoupement de trois clivages fondamentaux: clérical/anticlérical, centre/périphérie et possédants/travailleurs.

Ces trois axes de conflits qui s'entrecroisaient et maintenaient l'équilibre ont été transformés en axe de conflit communautaire au départ duquel tous les problèmes sont à présent débattus. Il s'agit là d'un changement radical et non négligeable dans l'équilibre classique dans la gestion du pays.


Pour aller plus loin

S. ROKKAN et S.M. LOPSET, "Party systems and voter alignements: cross-national perspectives", New-York, Ed. The Free Press, 1967, 554 p.

D.-L. SEILER, "Partis et familles politiques", Paris, PUF, Collection "Thémis science politique", 1980, 440 p.

Boycott d’Israël – BDS – ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE

24/06/2019 Commentaires fermés sur Boycott d’Israël – BDS – ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE By CERSP

BDS EN GENERAL

Joël Kotek & Alain Soriano (préface de Philippe Val): "De quoi le boycott d'Israël est-il le nom?", Ed. la boîte à pandore, Octobre 2020

Alain Soriano: "De quoi le boycott d'Israël est-il le nom?"; conférence en ligne, CCLJ, Novembre 2020

Le CRIF en conversation avec ... Joël Kotek et Alain Soriano, Septembre 2020

Omar Barghouti: "Why Americans Should Support BDS?", The Nation, July 2019

State of Israel, Ministry of Strategic Affairs and Public Diplomacy: "Special Report The ties between NGOs promoting BDS and terror organizations", February 2019

State of Israel, Ministry of Strategic Affairs and Public Diplomacy: "Special Report The European Union Financing Of Organizations Promoting Boycotts Against The State Of Israel", January 2019

Nathan Thrall: "BDS: how a controversial non-violent movement has transformed the Israeli-Palestinian debate", The Guardian, August 2018

Omar Barghouti: "Boycott is best response to illegal Israeli killings", The Irish Time, May 2018

Omar Barghouti : « La campagne B.D.S. vise à forcer Israël à se conformer au droit », L’Humanité, janvier 2017

Herman De Ley : « Le boycott d’Israël (B.D.S.), un devoir moral », BACBI-Dossier N° 3

Omar Barghouti: “ B.D.S.: Discussing Difficult Issues in a Fast-Growing Movement”, Al-Shabaka, juin 2016

Laurent Joffrin: "Les dessous d'un boycott", Libération, août 2015

Romain Geoffroy : « Qu’est-ce que le mouvement B.D.S., à l’origine des appels au boycott d’Israël ? », Le Monde, novembre 2015

Omar Barghouti « Face à Israël, la France est hypocrite », interview parue dans Le Monde, juillet 2015

Tia Goldenberg : “Boycott drive gains strength, raising alarm in Israel”, Associated Press, July 2015

Ramis Younis: "Interview : Omar Barghouti, l’homme à la base du mouvement BDS", juin 2015

Julien Salingue: "Alarmes israéliennes », Le Monde diplomatique", juin 2014

Catherine Gouëset: "Pourquoi le boycott commence à faire peur à Israël ", L'Express, Février 2014

Marc Tracy: “With All the Boycott Israel Talk, What is BDS?”, in New Republic, février 2014

Arthur Remion, « Le boycott économique, politique ou culturel d’Israël, une tendance en expansion », Le Huffington Post, août 2014

Willy Le Devin et Dominitque Albertini, « Les appels au boycott des produits israéliens ont-ils un effet ? », Libération, août 2014

Laurent Zecchini: « Le succès d’une campagne internationale de boycottage inquiète Israël », Le Monde, décembre 2013

Tribune: "Boycotter Israël, c’est lutter pour une paix juste", Le Monde, Novembre 2010

Tribune : "Le boycott d'Israël est une arme indigne" Le Monde, Novembre 2010

Omar Barghouti : "BDS contre l’apartheid et l’occupation de la Palestine", éd. La Fabrique, 2010

N. Erakat, « B.D.S. in the USA, 2001 – 2010 » in Middle East Report (MER), 2010

Omar Barghouti: “Relative Humanity: “The fundamental Obstacle to One-State Solution in Historic Palestine (1/2)”, in The Electronic Intifada, janvier 2004

APPEL DE PERSONNALITES AU BOYCOTT D'ISRAEL

Tribune publiée dans le monde : « Boycotter Israël, c’est lutter pour une paix juste », novembre 2010 en soutien à l’appel palestinien « Boycott, Désinvestissement, Sanctions » de 2005 et signée en autre par Olivier Besancenot et Clémentine Autain.

Missive signée par 358 organisations européennes de défense des droits de l’Homme, des églises, des syndicats et des partis politiques adressée à la Commission européenne pour dénoncer la tentative de criminalisation de B.D.S. et marquer leur soutien au collectif palestinien ;

La déclaration de la F.I.D.H. reconnaissant et réaffirmant le droit des personnes à participer pacifiquement et à appeler à des mesures de B.D.S. pour protester contre les politiques d’occupation et de discrimination du gouvernement israélien.

Omar Barghouti: "Radiohead is art-washing Israeli apartheid", Al-Jazeera, July 2017

BDS & LE PROCESSUS DE PAIX

Communiqué du BNC du 02/11/2017

Omar Barghouti: "For Palestinians, the 1967 War Remains an Enduring, Painful Wound", The Nation, June 2017

Ben Dror Yemini and Asaf Gibor, « Abu Mazn Surprises : ‘We Do Not Support Boycott of Israel‘ » NRG, décembre 2013

Omar Barghouti: “Relative Humanity: “The fundamental Obstacle to One-State Solution in Historic Palestine (1/2)”, in The Electronic Intifada, janvier 2004

Déclaration co-signée par O. Barghouti: "The One State Declaration", in the Electronic Intifada

Déclaration co-signée par O. Barghouti: “Don’t deny our rights: open letter to Mahmoud Abbas ”, The Electronic Intifada, juillet 2010

Omar Barghouti : « Dissolve the Palestinian Authority », Counter Punch, Octobre 2009

SodaStream

Ahava

G4S

Caterpillar

BDS & LE BOYCOTT CULTUREL

Appel au boycott culturel

Françoise Feugas, « Derrière la vitrine culturelle, une intolérable occupation », mai 2017

Jean Stern : « Mirage gay à Tel-Aviv », Ed. Libertalia, Paris, 2017

Déclaration du PACBI : « Les universités israéliennes profondément impliquées dans le massacre de Gaza : Boycott universitaire maintenant », août 2014

R.T. avec AFP : « La participation d’une israélienne à un festival marocain fait polémique, elle répond », Le Parisien, Septembre 2017

Richard Falk : « Israel’s New Cultural War of Aggression" May 2017

Lettre ouverte de BDS France pour dénoncer l’invitation d’un danseur israélien à la Biennale de la danse : « on ne danse pas avec l’apartheid », septembre 2016

Communiqué de BDS France : « La musique Klezmer ne doit pas être instrumentalisée par un Etat-voyou », septembre 2015

Anshel Pfeffer : “Academic boycotter to study in Tel Aviv”, The Jewish Chronicle online, April 2009

Lettre de l’AUDRIP au directeur de Sciences Po Rennes, disponible sur www.audrip.fr

ANTISIONISME VS ANTISEMITISME

Shany Mor: "Une forme d’antisionisme relève moins d’une idéologie que d’une vision du monde plaçant Israël au cœur du mal », Le Monde, Décembre 2019

 

 

 

Le boycott culturel d’Israël par BDS

28/04/2019 Commentaires fermés sur Le boycott culturel d’Israël par BDS By CERSP

Une initiative du PACBI

Le boycott culturel international d’Israël est une initiative lancée par un collectif regroupant des universitaires, artistes et autres intellectuels palestiniens, le PACBI[1], à la suite du Forum des ONG de Durban de 2001. Co-fondé par Omar Barghouti, il demande à la communauté internationale de boycotter l’ensemble des activités culturelles ou festives organisées en Israël, allant des festivals cinématographies à des expositions d’art, en passant par des performances musicales et de danses, conférences, etc., ainsi que les manifestations internationales commanditées, financées ou parrainées par Israël.

Le PACBI exhorte les travailleurs culturels internationaux(artistes, écrivains, cinéastes) et les organisations culturelles, y compris les syndicats et les associations, dans la mesure du possible, à boycotter et/ou à œuvrer en faveur de l'annulation d'événements, d'activités, d'accords ou de projets impliquant Israël, ses groupes de lobbying ou ses institutions culturelles, ou qui, d'une autre manière, favorisent la normalisation d'Israël dans la sphère culturelle mondiale, blanchissent les violations par Israël du droit international et des droits des Palestiniens ou violent les directives du BDS.

Source: PACBI Statement: "Guidelines for the International Cultural Boycott of Israel ", July 2014 (trad. libre)

Trois axes

Les lignes directrices édictées par BDS pour le boycott culturel international d’Israël tournent autour de trois axes majeurs :

1. La culture permettrait d'occulter les crimes d'Israël

Par présomption, toutes les institutions culturelles israéliennes sont les complices du régime sioniste.

Les institutions culturelles israéliennes font partie intégrante de l'échafaudage idéologique et institutionnel du régime israélien d'occupation, de colonisation et d'apartheid contre le peuple palestinien. Par leur silence ou leur participation active, ces institutions sont clairement impliquées dans le soutien, la justification et le blanchissement de l'occupation israélienne et le déni systématique des droits des Palestiniens.

F.A.Q.: "How are Israel cultural institutions complicit in Israeli violations of Palestinian rights? " (trad. libre)

BDS interdit à quiconque le droit d’assister ou de participer à des activités culturelles réalisées sur le territoire israélien (par ex. l’Eurovision 2019, Gay-Pride, etc.) car cela contribue « à donner la fausse impression qu’Israël est un pays normal ».

2. La culture serait un outil de propagande (Hasbara)

La culture est exclusivement perçue comme un instrument de propagande visant à donner une image positive d’Israël (Hasbara). Elle ferait partie d’un vaste plan marketing ourdi par les plus hautes instances de l’Etat hébreu pour redorer son blason à l’étranger[2]. BDS interdit dès lors à quiconque le droit d’assister ou de participer à des manifestations culturelles internationales (par ex. Tel-Aviv sur Plage à Paris) commanditées, parrainées ou financées par Israël ou ses officines locales car cela ferait partie de son plan machiavélique « visant à améliorer son image » et développer ainsi la « marque Israël » à l’étranger.

Pour cette même raison, BDS refuse toute collusion avec les pacifistes et intellectuels israéliens. Les élites culturelles et universitaires sont « naturellement » les fers de lance de la « hasbara » version marketing. Israël leur assigne en permanence la « mission de contribuer à la lutte contre la délégitimation en apparaissant à l’étranger comme les représentants d’une culture pluraliste, créative et dynamique »[3].

3. La culture modifierait le paradigme du conflit

La culture n’est jamais vue comme un moyen pacifiste de rapprocher les peuples. Pour BDS, le rapport entre Israéliens et Palestiniens est basé sur le paradigme oppresseur/opprimé. Les productions artistiques mixtes israélo-palestiniennes doivent être boycottées car elles contribuent « à donner la fausse impression que les parties au conflit sont égales entre elles » et viennent de ce fait modifier le paradigme originel en mettant les deux parties sur un plan symétrique, toutes deux « responsables du conflit »[4].

Toutes les activités culturelles, projets, événements et produits impliquant des Palestiniens et ou d'autres arabes d'une part et des Israéliens de l'autre et qui sont fondés sur le faux principe de symétrie entre les oppresseurs et les opprimés ou qui laisseraient entendre que les deux, colonisateurs et les colonisés, sont co-responsables du " conflit" sont des formes de normalisation intellectuellement malhonnêtes et moralement répréhensibles qui devraient être boycottées. Loin de remettre en cause le statu quo injuste, de tels projets contribuent à son renforcement.


PACBI Statement: "Guidelines for the International Cultural Boycott of Israel ", July 2014 (trad. libre)


[1] Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel

[2] Nathaniel Popper : “Israel Aims to Improve its Public Image”, Forward, October 2005.

[3] Françoise Feugas, « Derrière la vitrine culturelle, une intolérable occupation », 19 mai 2017

[4] PACBI Statement : « Israel’s Exceptionalism : Normalizing the Abnormal”, October 2011

L’objectif de BDS? La création d’un Etat unique

Quel est l'objectif de la campagne de boycott internationale lancée par BDS? Dans sa Foire Aux Questions (1), il présente sa campagne de boycott non pas comme un combat de nature politique mais comme une lutte pour le respect du droit, de l’égalité et de la justice. Il entend ainsi convaincre la communauté internationale que la paix entre Israéliens et Palestiniens ne passe pas par des « négociations de paix » devant aboutir à un accord politique entre les deux belligérants mais par le seul et strict respect par l’Etat d’Israël du droit international et des droits humains des Palestiniens.

Supporters de BDS

Les trois revendications de BDS

Le collectif palestinien énumère dans sa Charte trois revendications sine qua non pour réaliser le droit à l’autodétermination des Palestiniens : 1) la fin de l’occupation et de la colonisation de tous les territoires arabes,2) le retour sans conditions de l’ensemble des réfugiés palestiniens à l’intérieur des frontières de l’Etat d’Israël ; et 3) l’égalité complète des droits pour les citoyens arabo-palestiniens vivant en Israël. Les mesures punitives de boycott sont là pour contraindre les Israéliens à accepter, de gré ou de force, ces revendications. (2)

La bonne grille de lecture des revendications

Ces trois revendications ne peuvent être comprises que si elles sont replacées dans le cadre de la lutte menée par le collectif palestinien contre la création originelle de l’Etat d’Israël, c’est-à-dire contre l’idée selon laquelle les Juifs puissent être majoritaires et avoir un droit au retour sur une partie du territoire de la Palestine historique. BDS est en effet un mouvement qui se revendique radicalement et farouchement antisioniste. Replacées dans le contexte de sa lutte pour la désionisation de l’Etat d’Israël, les trois revendications du collectif palestinien prennent alors une tournure beaucoup plus politique qu’ilne le prétend :

  • La fin de l’occupation et de la colonisation de l’ensemble des territoires arabes ne vise pas uniquement des territoires palestiniens occupées par Israël depuis 1967 (Cisjordanie et bande de Gaza qui peut également comprendre un échange mineur de territoire comparable et mutuellement accepté dans le cadre d’un accord de paix) mais comprend l’ensemble des territoires arabes actuellement contrôlés par les sionistes, y compris le plateau du Golan (territoire revendiqué par la Syrie), Haïfa et Tel-Aviv, c’est-à-dire l’entièreté du territoire actuellement sous contrôle ou sous souveraineté israélienne. Cette revendication exprime le désaccord de BDS sur la solution à deux Etats.

  • Le droit au retour sans conditions des réfugiés palestiniens est une logorrhée du mouvement national palestinien historique qui va au-delà de la position officielle de l’Autorité Palestinienne et même de la ligne de conduite adoptée par les pays membres de la ligue arabe (initiative saoudienne) qui ont évolué sur cette question et préconisent aujourd’hui une solution « juste », à défaut d’être équitable, au problème des réfugiés.

  • L’égalité des droits entre les citoyens à l’intérieur de l’Etat d’Israël doit uniquement être interprétée, lorsqu’elle est revendiquée par un mouvement comme BDS, comme un acte, couplé au retour des réfugiés (environ 5 millions de personnes), devant mettre fin à la majorité juive (et donc du caractère juif de l’Etat d’Israël) sur la partie du territoire de la Palestine actuellement occupée par les sionistes.

Des revendications éminemment politiques

Si on devait reformuler correctement les revendications de collectif palestinien, on pourrait alors dire que l’horizon politique de BDS est une solution à un seul Etat avec une population majoritairement musulmane. Le sort des Juifs (environ 7.000.000 d’individus) dans ce nouvel Etat, lui, n’est quant à lui pas encore tranché. Voilà ce que BDS propose lorsqu’il affirme se battre uniquement pour le respect du droit international et les droits humains des Palestiniens. Contrairement à ce qu’il affirme (3), ses revendications sont éminemment politiques puisque BDS prône comme principe que l’unique solution au conflit passe par un acte politicide de la part des Israéliens. La Paix se fait non pas avec Israël mais sans Israël.

La fin de la colonisation et de l’occupation, le règlement de la question des réfugiés et l’égalité des droits entre les citoyens sont bien évidemment des questions auxquelles les belligérants doivent impérativement apporter des réponses pour espérer un jour mettre un terme à ce que certains appellent désormais le plus vieux conflit du monde. Les « accords » d’Oslo conclus en 1993 entre les représentants officiels et légitimes des deux camps tentaient d’y parvenir. Il en a été de même des « accords » de Genève signés par des personnalités des deux bords en 2003 et qui se basaient sur le plan Clinton et les discussions de Taba prévoyant un règlement global et pacifique du conflit : création d’un Etat palestinien, délimitation des frontières, échanges de territoires, colonies, solution disruptive au problème des réfugiés palestiniens, sécurité, cogestion de Jérusalem, etc.

La célèbre poignée de mains entre Y. Rabin et Y. Arafat

Retour vers le futur

Les trois revendications de BDS sont cependant d’un autre ordre puisqu’elles partent du postulat que le droit à l’autodétermination du peuple palestinien passe par la négation du droit à l’autodétermination du peuple juif. Ces revendications peuvent ainsi être qualifiées de rétrogrades puisqu’elles sont identiques à celles que soutenaient l’OLP, principal acteur du mouvement national palestinien, avant d’accepter la solution à deux Etats et le processus de paix d’Oslo il y a 25 ans !

Avec BDS, c’est donc retour vers le futur.


(1) F.A.Q. : Quelles sont les revendications précises de la campagne BDS ?, www.bdsfrance.org

(2) CERSP: "Les trois principes de BDS", février 2019

(3) Omar Barghouti: « BDS: discussing Difficult Issues in a Fast-Growing Movement “, Al-Shabaka, juin 2016.

Le boycott économique d’Israël par BDS

Contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, le collectif palestinien n’appelle pas au boycott des seuls produits fabriqués par des entreprises israéliennes dans des colonies implantées en Cisjordanie occupée mais demande aux consommateurs occidentaux de boycotter toutes les entreprises israéliennes et toutes les entreprises occidentales qui participent activement à l’économie israélienne.

« Seuls les produits des colonies sont illégaux, alors pourquoi boycotter tous les produits israéliens ? D’abord, les discriminations que nous dénonçons touchent également les Palestiniens à l’intérieur des frontières d’Israël. Ensuite, la résolution 194 de l’ONU stipule le respect et la mise en œuvre du droit au retour des réfugiés palestiniens dans leurs maisons, y compris à l’intérieur des frontières de 1948. Enfin, dans sa dimension coloniale, c’est bien l’Etat d’Israël, son armée et ses entreprises qui sont responsables et qui profitent économiquement de l’occupation de tousles territoires illégaux, de la construction du Mur, du blocus de Gaza etc. A l’époque de l’Apartheid, n’aurait-il pas été absurde de ne boycotter que les bantoustans et pas le Cap, Johannesburg ou Pretoria? ».

source : F.A.Q. de BDS: "Does BDS call for a boycott of the whole of Israel or just the illegal settlements?" (trad. libre)

Le modus operandi d'une campagne

BDS a lancé au cours de ces dernières années d’une part de grandes campagnes transnationales, considérées comme prioritaires, appelant au boycott des grandes marques israéliennes comme par exemple les gazéificateurs d’eau SodaStream, les produits cosmétiques Ahava, les oranges Jaffa, les médicaments génériques Teva, etc. et d’autre part, des campagnes internationales pour boycotter des multinationales américaines ou européennes qui ont, pour le collectif palestinien, une implication active dans l’économie israélienne comme par exemple la société de construction Caterpillar, la société de produits informatique Hewlett-Packard, etc.

Le point commun entre toutes ces campagnes est leur mode opératoire identique.

BDS est une organisation pyramidale composée de trois couches : au sommet de la pyramide se trouve le comité central BNC avec Omar Barghouti comme porte-parole. Les militants et supporters constituent, la base de la pyramide. Quant aux partenaires étrangers privilégiés, ils sont la courroie de transmission et servent de relai entre le sommet et la base.  [1]

Rôle du comité central BNC

Le BNC, au sommet de la pyramide organisationnelle du mouvement, est à l’initiative de toutes les campagnes transnationales (ex. campagnes contre Véolia, GS4, etc.) considérées comme prioritaires. C’est lui qui détermine la cible, les messages-clefs qui seront véhiculés au cours de la campagne ainsi que l’argumentaire qu’il faudra déployer auprès de l’opinion publique pour justifier la mise au ban de l’entreprise ainsi ciblée.

Rôle des représentants "officiels" locaux

Les représentants "officiels" locaux (au nombre de quarte en France: BDS France, UJFP, AURDIP et AFPS), courroie de transmission entre le sommet et les militants de la base, ont pour mission de relayer la campagne au niveau national et de s’assurer que les actions locales cadrent avec les messages fixés par le sommet de la pyramide. Ils leur fournissent du matériel militant (tracts, modèle de lettres de protestation, autocollant, etc.) et recommandent aux acteurs locaux d’éviter la dispersion et de se concentrer sur quelques cibles.

« Des milliers d’entreprises de tous les pays commercent, échangent et investissent avec des centaines d’entreprises israéliennes, participant au bien être de ce pays colonial, sans se soucier d’aucune obligation ni des droits des Palestiniens. Essayer de boycotter activement chaque entreprise qui collabore à l’apartheid israélien est voué à l’échec en terme d’effet concret. Pour qu’elle soit efficace, une campagne de boycott doit être ciblée, stratégique, argumentée, qu’elle ait une chance de gagner, qu’elle soit utilisée collectivement, si possible à l’échelle mondiale, et sur le long terme. C’est pourquoi, les Palestiniens eux-mêmes recommandent aux campagnes nationales BDS de choisir un nombre limité de cibles de boycott et de concentrer leurs efforts sur ces cibles. Les Palestiniens connaissent bien les sources de leurs souffrances et nous font les meilleures recommandations pour une campagne BDS efficace ».


site internet de BDS France : « Que boycotter ? Tous ensemble dans la campagne internationale BDS», janvier 2018.

Ils diffusent ensuite le compte-rendu des actions locales sur les réseaux sociaux. Les victoires engrangées au niveau national remontent, elles, vers le BNC qui les publie sur le site internet officiel du mouvement (www.bdsmovement.net).

Rôle de la base

Les militants et supporters locaux, à la base de la pyramide, sont chargés d’animer les actions sur le terrain qui se matérialisent majoritairement de la manière suivante :

  • Ils tiennent des stands d’information et mènent des actions de protestation devant ou à l’intérieur même des supermarchés et des grands magasins pour alerter les consommateurs sur les produits étiquetés Israël « impropres à la consommation »;

  • Ils font circuler des listes éparses de divers produits à boycotter sur les réseaux sociaux. Une application mobile (Buycott) a même été développée permettant aux consommateurs de détecter rapidement si un produit provient ou non d’Israël.

  • Ils interpellent les directeurs de grands magasins en leur demandant de retirer les produits étiquetés Israël de leurs rayons.

BDS encourage en théorie toutes les initiatives citoyennes spontanées.

"La Campagne BDS France fonctionne de manière souple et décentralisée. Des réunions de coordination nationale ont lieu une fois par mois, à Paris pour des raisons pratiques. Les représentants des différents membres de la Campagne y discutent de l’état de la Campagne, des objectifs, fixent des priorités, choisissent éventuellement des dates d’action nationales, qui peuvent tout à fait refléter une demande locale. Des groupes de travail sont parfois constitués par des militants des différentes organisations, sur la base du volontariat, pour coordonner telle ou telle action, ou travailler sur un sujet particulier. Les décisions se prennent au consensus dans un esprit unitaire. Les organisations membres de la Campagne paient chaque année une cotisation. Pour les aspects techniques, et par souci d’efficacité et de réactivité, un petit groupe de coordination a été mis en place et organise la vie pratique de la Campagne, fait le lien avec le local, propose des outils et des actions et suit les affaires juridiques. Ce groupe est composé de militants des différentes organisations et associations et il est basé sur un principe de volontariat. Les membres du groupe de coordination sont amenés à tourner régulièrement, mais dans un souci de continuité et d’efficacité sur le long terme."

Source : site internet de BDS France: "Qui sommes-nous?"

Les campagnes de boycott permettent de mettre en perspective la structure et l’organisation pyramidale du mouvement. Dans la pratique, les campagnes de boycott ne sont pas aussi spontanées que ne le prétend BDS. Les grandes campagnes transnationales sont initiées, organisées et structurées par la couche supérieure du mouvement, le BNC. Les campagnes nationales sont, elles, supervisées par la couche intermédiaire, les représentants "officiels" locaux qui sont chargés d’encadrer les acteurs locaux sur le terrain. La strate inférieure du mouvement, composée de militants et supporters locaux, ne dispose que d’un faible pouvoir de décision, au mieux un pouvoir de suggestion.


[1] CERSP : "Organisation générale de BDS"

BDS vu par lui-même

La campagne Boycott Désinvestissement Sanctions (« BDS ») est un appel lancé le 4 juillet 2005 par un collectif de 172 organisations et associations palestiniennes demandant à la communauté internationale de boycotter intégralement Israël. Le collectif palestinien se présente sans coup férir comme un mouvement novateur, citoyen, performatif, pacifiste et antiraciste. (1)

BDS est novateur

BDS situe sa naissance en 2005, soit « un an après l’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice qui a jugé illégal le mur qu’Israël construit sur le territoire palestinien occupé ». Partant du constat que toutes les formes de processus de paix ont échoué par la faute exclusivement imputable à l’Etat d’Israël, il propose aux Palestiniens de quitter la table des négociations et d'appliquer une nouvelle méthode pour arriver à la paix basée sur le "strict respect par Israël du droit international et des droits humains des Palestiniens".

Cette nouvelle méthode consisterait à demander à la communauté internationale de boycotter intégralement Israël pour faire pression sur ce pays "jusqu’à ce que ce qu'il plie et honore ses obligations de reconnaître le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination et se conforme au droit international".

BDS est une initiative citoyenne spontanée

BDS invite les "organisations des sociétés civiles internationales et les gens de conscience du monde entier" à boycotter Israël. Il présente sa Campagne Internationale de Boycott comme une initiative citoyenne spontanée caractéristique de la démocratie participative. Le mouvement serait faiblement structuré. Dans le cadre des lignes de conduites définies par l’appel de 2005, une grande latitude serait laissée aux initiatives locales, régionales et nationales pour déterminer les cibles de leurs actions et les tactiques à adopter.

BDS est performatif

BDS se targue d'avoir obtenu de très nombreuses victoires depuis son appel de 2005. A  en croire ses communiqués de presse, des centaines d’universités auraient gelé ou rompu leurs accords de collaboration avec les institutions académiques et scientifiques israéliennes, la plupart des artistes internationaux ne se produiraient plus en Israël, d’importantes multinationales se seraient désinvesties du pays, des dizaines de municipalités auraient rompu avec l'Etat hébreu et se seraient déclarées « Zones Libre d’Apartheid », des centaines églises des États-Unis auraient retiré leurs investissements des banques israéliennes, etc.

Extrait de la déclaration du PACBI: "And the winner of Eurovision apartheid in Tel-Aviv is …", mai 2019

BDS est pacifiste

BDS se positionne comme un mouvement pacifiste et non violent. Les mesures de boycott sont considérées comme des actions « pacifiques, légitimes et acceptées sur la scène internationale » et seraient « protégées par la liberté d’expression » (2). Il dit s'inspirer de la lutte contre la ségrégation raciale en Afrique du Sud

BDS est antiraciste

BDS considère son appel de 2005 qui exige « la fin des violations du droit international et des droits humains par Israël » ancré dans les principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Sur base de cet engagement de principe pour l’égalité des droits de chaque être humain, BDS est donc résolument opposé aux idéologies politiques qui prônent le racisme, raison pour laquelle il s’oppose au sionisme.

« Nous rejetons le sionisme en ce qu’il constitue le pilier idéologique raciste et discriminatoire du régime d’Israël d’occupation, de colonialisme de peuplement et d’apartheid, qui prive le peuple palestinien de ses droits fondamentaux depuis 1948 » (3).

Il inscrit son action dans la lignée du forum mondial des ONG organisé en marge de la Conférence contre le Racisme, la Discrimination, la Xénophobie et l’Intolérance (WCAR) de Durban en 2001.

« Guidés par l’agenda inclusif de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, qui s’est tenue en 2001 à Durban, en Afrique du Sud, les principes du mouvement BDS incluent les valeurs de la diversité culturelle, de la solidarité et du soutien mutuel avec les victimes du racisme et de la discrimination raciale » (4)


(1) Appel de la société civile palestinienne. Voir également: Omar Barghouti : "Boycott, désinvestissement, sanctions. BDS contre l’apartheid et l’occupation de la Palestine", La Fabrique Éditions, Paris, 2010

(2) Déclaration du Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression au terme de sa visite en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés, 18/11/2011.

(3) Déclaration du Comité national palestinien du BDS (BNC) réitérant la position du mouvement BDS contre toutes les formes de racisme et de discrimination raciale.

(4) Déclaration du Comité national palestinien du BDS (BNC) réitérant la position du mouvement BDS contre toutes les formes de racisme et de discrimination raciale, mars 2017. Voir également à ce sujet la position commune adoptée par le BNC pour la Conférence de Durban tenue en 2009 à Genève : « UNITED AGAINST Apartheid, Colonialism and Occupation. DIGNITY & JUSTICE for the Palestinian People », Octobre 2008.

BDS la règle de trois

Boycott d’Israël: les trois principes de BDS

3 composantes, 3 revendications, 3 sanctions

La campagne Boycott Désinvestissement Sanctions (« BDS ») est un appel lancé le 4 juillet 2005 par un collectif de 172 organisations et associations palestiniennes intimant la communauté internationale de boycotter intégralement Israël. La mise au ban des Nations devra durer jusqu’à ce que ce pays "honore ses obligations de reconnaître le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination et se conforme au droit international".

Les 3 composantes

Les signataires de cet appel se définissent eux-mêmes comme les représentants des trois composantes majeures de la société civile palestinienne, à savoir (1):

  • Les Palestiniens vivant sous occupation dans les Territoires Occupés (Cisjordanie), y compris Jérusalem et la bande de Gaza (38%) ;

  • Les réfugiés vivant en exil (50%) ;

  • Les citoyens arabo-palestiniens vivant sur
    le territoire israélien (12%).

Les 3 revendications

Le collectif palestinien entend convaincre la communauté internationale que la paix entre Israéliens et Palestiniens ne passe pas par des « négociations de paix » devant aboutir à un accord politique entre les deux belligérants mais par le respect scrupuleux par l’Etat d’Israël du droit international et des droits humains des Palestiniens.

Le droit à l'auto-détermination du peuple palestinien devant se réaliser sur l'ensemble du territoire de la Palestine historique, les obligations internationales d'Israël qui en découlent reposeraient en conséquence sur les trois piliers suivants :

  • La fin de l’occupation et de la colonisation de tous les territoires arabes actuellement occupés, y compris le Plateau du Golan ;

  • Le retour sans conditions de l’ensemble des réfugiés palestiniens à l’intérieur des frontières de l’Etat d’Israël ; et

  • L’égalité complète des droits pour les citoyens arabo-palestiniens vivant en Israël.

Ces deux derniers piliers sont prioritaires puisque les réfugiés vivant en exil et les citoyens palestiniens vivant en Israël constituent 62% de la population palestinienne et sont pour BDS les grands oubliés du processus de paix enclenché à Oslo qui ne visait que les Palestiniens situés dans les Territoires Occupés depuis 1967.

La position officielle du collectif consiste à se concentrer exclusivement sur les droits humains des Palestiniens issus de la législation internationale et non sur les solutions politiques. En ce qui concerne la résolution politique du conflit israélo-palestinien, BDS se refuse à prendre explicitement position dans le débat opposant tenants de la bipartition et leurs adversaires favorables à un seul Etat. Pour son porte-parole Omar Barghouti, "la forme étatique que les peuples de la région établiront dépendra de leur volonté et de l’évolution de leurs relations" (2).

Les 3 mesures coercitives

BDS exige de la communauté internationale qu'elle prenne trois mesures punitives à l’encontre de l’Etat d’Israël :

a) Le boycott

BDS appelle au boycott intégral d'Israël : c’est-à-dire non seulement politique et économique mais aussi culturel, académique, scientifique et sportif. Celui-ci vise tout individu qui est représentatif de ce pays ou d’une institution israélienne complice, ou s’il est commandité ou recruté pour participer aux efforts d’Israël pour se « donner une nouvelle image ».

b) Le désinvestissement

BDS encourage développement de Campagnes Nationales visant à faire pression sur les entreprises nationales afin qu’elles se désinvestissent de l’État juif. L’organisation mène également des actions de lobbying auprès des gouvernements, des institutions et des entreprises pour qu’elles cessent d’investir ou de coopérer économiquement avec l’État juif [3].

c) Les sanctions

les gouvernements des pays occidentaux sont les complices des crimes commis par l’Etat d’Israël car ils soutiennent de manière inconditionnelle un régime colonialiste, d’occupation et d’apartheid. BDS entend mettre un terme à cette complicité internationale et demande aux citoyens de conscience du monde à faire pression sur leurs gouvernants afin qu’ils abandonnent leurs politiques favorables à Israël et stoppent toute relation avec lui.

Ces trois mesures coercitives doivent être appliquées par la communauté internationale jusqu'à ce que les Israéliens honorent leurs obligations internationales, c'est-à-dire jusqu'à la reddition complète et inconditionnelle d'Israël et son acceptation de voir le droit du peuple palestinien à l'auto-détermination se réaliser sur l'intégralité du territoire de la Palestine historique.


(1) Selon les chiffres de 2014 émis par l’Office Central Palestinien des Statistiques, sur les 11.800.000 Palestiniens, ceux des territoires palestiniens occupés (TPO), c’est-à-dire Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem Est, représentent seulement 38 % de la totalité de la population palestinienne. Les citoyens palestiniens d’Israël représentent environ 12 %, et les Palestiniens en exil constituent les 50 % restants.

[2] Omar Barghouti: « BDS: discussing Difficult Issues in a Fast-Growing Movement “, Al-Shabaka, juin 2016. Voir également: S. Henry: "Les raisons du boycott économique d'Israël par BDS", CERSP, mars 2019

[3] Romain Geoffroy « Qu’est-ce que le mouvement BDS, à l’origine des appels au boycott d’Israël ? », Le Monde, Novembre 2015; Blandine Le Cain : "Qu'est-ce que le mouvement BDS, qui prône le boycott des produits israéliens?", Le Figaro, novembre 2017.

Tableau général

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Le message de BDS

26/02/2019 Commentaires fermés sur Le message de BDS By CERSP

Quel est le message que BDS entend envoyer à la communauté internationale? Un examen comparatif des différentes campagnes de boycott orchestrées ses dernières années par le collectif palestinien BDS nous permet de dégager ses deux thématiques centrales et, partant, de décrypter son message.

Le thème de la colonisation judéo-israélienne

BDS décrit dans toute sa communication Israël comme un Etat colonial c’est-à-dire comme une création fictive des puissances occidentales qui auraient importés « leurs » juifs (principalement européens et américains) dans la région pour y maintenir leur domination économique, culturelle et politique. BDS ne considère donc pas le sionisme comme un mouvement de libération nationale du peuple juif mais le décrit comme une entreprise coloniale criminelle. En résumé, pour BDS la présence juive sur une partie du territoire de la Palestine historique n’est pas légitime. (1)

Le thème du racisme

BDS décrit également dans toute sa communication Israël comme un Etat d’apartheid. Sa reconnaissance par la communauté internationale « en tant qu’Etat juif » est une erreur historique car « elle contient inévitablement la légitimation d’un régime dans lequel l’appartenance ethnico-religieuse ou raciale de quelqu’un constitue le critère de base pour un système institutionnel universel de ségrégation tenant à privilégier les uns et à discriminer les autres » (2). Pour BDS, le crime d’apartheid, le caractère juif de l’Etat d’Israël, se situe donc dans la conception même de l’Etat. (3)

Le vocabulaire lié aux deux thèmes

Les deux thèmes qui tournent en boucle dans toutes les campagnes de boycott peuvent être illustrés par le vocabulaire particulièrement belliqueux utilisé par le collectif palestinien à l’encontre de son adversaire. Israël y est décrié ad nauseam comme un Etat « raciste », « d’apartheid », « voyou », « criminel » mais aussi« assassin et tueur d’enfants » (4). Les expressions comme « régime d’oppression coloniale », « domination », « exploitation », « épuration ethnique » voir même « génocide » sont fréquemment utilisées pour décrire le régime sioniste (5).

Le message de BDS à la communauté internationale

Il devient ainsi possible de décrypter le message que le collectif palestinien entend faire passer à la communauté internationale : Israël, en tant qu’Etat juif, est illégitime puisqu’il s’agit d’une entreprise coloniale criminelle qui se rend coupable du crime d’apartheid.

Stratégie et message

La campagne BDS ne vise pas seulement l'économie israélienne, mais remet en cause la légitimité d'Israël, en tant qu'État colonial et d'apartheid, en tant que membre de la communauté internationale. Par conséquent, des efforts sont nécessaires non seulement pour promouvoir un vaste boycott des consommateurs, mais également dans les domaines universitaire, culturel et sportif.

Source: First Palestinian Conference for the Boycott of Israel, summary report, novembre 2007

C’est donc le projet sioniste qui est clairement dans la ligne de mire de B.D.S. L’idée d’un Etat-Nation où les Juifs du monde entier disposeraient d’un droit au retour et où le régime politique assurerait à la population juive d’être majoritaire, doit être abandonné par les Israéliens car il induit de facto la négation des droits humains des Palestiniens et empêche leur autodétermination. La mise au ban d’Israël par l’ensemble de la communauté des Nations a pour objectif de contraindre les Israéliens à renoncer au caractère juif de leur Etat, seule condition pour que les droits humains des Palestiniens soient enfin respectés.


(1) CERSP: "Que veut-dire "colonisation" pour BDS?"

(2) Voir notamment à ce sujet la Charte de l’association américaine US Campaign for Palestinian Rights (USCPR), un des partenaires américaines de B.D.S., qui stipule ce qui suit : « We stand against Zionism as a political system that privileges the rights of Jews over the rights of others ».

(3) CERSP : "Que veut-dire "apartheid" pour BDS?"

(4) Pour le B.A.C.B.I. par exemple, les enfants palestiniens sont tout particulièrement visés par l’oppression israélienne. Voir notamment à ce sujet : Herman De Ley : « Le boycott d’Israël (BDS), un devoir moral », BACBI-Dossier N° 3, p.7

(5) "Cartographie des actions militantes en France", Les Cahiers du CERSP, 4/2019