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La compétition électorale

30/07/2023 Commentaires fermés sur La compétition électorale By CERSP

Il est possible de définir assez simplement la démocratie : il s’agit d’un régime politique où le peuple est le souverain. Mais cette définition aboutit immédiatement à une impasse puisque la plupart des régimes actuels, même les plus autoritaires (Russie, Chine, Iran, Algérie, etc.), font référence au peuple.

La démocratie pourrait alors être définie comme le régime où le peuple assure son propre commandement, préside lui-même à sa propre destinée. C’est la célèbre formule d’Abraham Lincoln « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », chère aux « gilets jaunes » en France. Son idéal-type est la démocratie directe athénienne antique où les citoyens réunis sur la place publique (agora) prenaient ensemble les décisions concernant la vie de la cité. D’autres évoquent aujourd’hui d’autres formes comme la démocratie participative, les conventions citoyennes où les citoyens sont tirés au sort,

Mais ces modèles de démocraties présentent un inconvénient majeur en ce qu’elle ne sont praticables que dans des sociétés de petites tailles. C’est une banalité de le dire mais, dans nos sociétés nombreuses et complexes, il n’est pas possible de demander l’avis de plusieurs dizaines de millions de personnes sur chaque décision impactant la collectivité. On pourrait, certes, imaginer que les outils technologies modernes le permettent. Après tout, Elon Musk fait bien voter des millions de personnes sur des questions relatives à la manière de piloter de ses entreprises commerciales (« X » et Tesla). Pourquoi un Etat ne pourrait-il pas en faire de même et interroger les citoyens via les réseaux sociaux lorsqu’il doit déterminer le différentiel de taux de change (le spread) USD/EUR? Mais il faut reconnaître que tout le monde n’a pas un avis sur tout ni encore moins l’expertise pour donner une opinion avisée sur toutes les questions qui lui seraient posées.

Cette seconde définition de la démocratie se fracasse donc elle aussi sur l’autel de la réalité : il n’existe aucun régime politique au monde où le commandement est exercé directement par des dizaines de millions de personnes. Dans tous les régimes existants, le pouvoir du peuple est délégué dans les mains de quelques personnes. Et le régime démocratique ne fait pas exception.

Le régime démocratique n’est pas le régime idéal ou vertueux d’où le désenchantement de certains. Mais il faut cesser de considérer la démocratie pour ce qu’elle n’est pas et ce qu’elle ne pourra jamais être. Pour paraphraser Winston Churchill, la démocratie c’est simplement le moins mauvais de tous les régimes politiques.

Ce qui caractérise une démocratie libérale n’est donc pas son caractère oligarchique. Sa spécificité doit être recherchée dans la façon dont le peuple souverain délègue son pouvoir à la classe politique.

Dans une démocratie libérale, le peuple souverain organise une compétition électorale pour désigner celui qui exercera le pouvoir au nom de l’ensemble de la collectivité.

La plupart des autres régimes politiques organisent également des élections pour désigner leurs gouvernants. Peu importe que l’élection soit truquée, qu’il n’y ait qu’un seul candidat ou que ce dernier remporte 99% des suffrages. L’élection assure une certaine légitimité au vainqueur. Mais dans une démocratie libérale, cette légitimité n’est accordée que lorsque la compétition électorale rencontre une série de critères :

  • Les règles du jeu de la compétition doivent être fixées par la loi et être respectées par les candidats qui savent ce qu’ils peuvent faire et ce qui est interdit de faire.
  • Il doit y avoir pluralité de candidats afin de refléter les opinions diverses de la société civile. Une élection où un candidat se présente seul devant les électeurs ne peut pas être qualifiée de compétition mais suggère plutôt que les autres candidats aient été mis hors du jeu.
  • La compétition doit être pacifique. Dans une société démocratique, il est normal que les différents points de vue s’affrontent librement et que le débat soit animé. Pour Montesquieu, « toutes les fois que l’on verra tout le monde tranquille dans un Etat qui se donne le nom de République, on peut être assuré que la liberté n’y est pas ». Mais le débat doit rester pacifique. L’utilisation de la mitraillette ou du coup d’état nous fait sortir de la démocratie. Comme par exemple au Niger où le chef de la garde présidentielle, le général Tiani, a renversé le pouvoir en place et s’est autoproclamé en 2023 nouvel homme fort du pays.
  • La victoire dans les urnes assure la légitimité du vainqueur. En démocratie, il est de tradition que le perdant accepte sa défaite en téléphonant au vainqueur pour le féliciter et surtout le fasse savoir publiquement afin de s’assurer que le camp défait ne conteste pas immédiatement la légitimité du gagnant. Lorsqu’au Etats-Unis, Donald Trump refuse de reconnaître à sa défaite électorale en 2022, il s’attaque à l’un des piliers de la démocratie qu’est le transfert pacifique du pouvoir. (1)
  • L’opposition est légale, ce qui suppose que le perdant puisse contester les décisions qui seront prises par le gouvernant au cours de son mandat sans risquer la mort ou la prison. Que l’on puisse ne pas être d’accord avec les gouvernants est un phénomène relativement rare dans l’histoire de l’humanité et qui différencie la démocratie libérale de tous les autres régimes politiques. Au Maroc, la Constitution prévoit une peine de prison ferme pour toute offense à la monarchie. Un homme a ainsi écopé de 5 ans de prison en raison de publications sur Facebook où il dénonçait la normalisation du Marco avec Israël (la politique extérieure étant une prérogative du Roi, la publication litigieuse a donc été considérée comme une offense à ce dernier) (2)
  • Le vainqueur de l’élection a le droit d’exercer temporairement (pro tempore) le pouvoir. Un régime démocratique présuppose que celui qui détient le pouvoir ne se croit pas destiné à le détenir indéfiniment. Après une certaine durée fixée par la loi, il doit solliciter le renouvellement de son mandat auprès du peuple souverain et accepter, le cas échant, de laisser l’exercice du pouvoir à l’opposition. L’alternance au pouvoir est donc consubstantiel au régime démocratique. Lorsque dans un régime celui qui gagne empêche le perdant d’avoir une nouvelle chance on sort de la démocratie car automatiquement on a mis hors la loi l’opposition.  C’est le cas de la Tunisie, par exemple où en 2021, Kaïs Saïed , prétextant l’existence d’un « péril imminent », en pleine crise politique et sanitaire (liée à l’épidémie de Covid-19), pour s’octroyer les pleins pouvoirs, selon une lecture personnelle de l’article 80 de la Constitution, qui permet le recours à des mesures « exceptionnelles ». Le président tunisien avait alors démis de ses fonctions le chef du gouvernement et suspendu les travaux du Parlement, empêchant même les députés de s’y réunir, avec l’aide de l’armée. Quelques mois plus tard, il élargissait encore son pouvoir en suspendant la Constitution, avant de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature puis l’Assemblée des représentants du peuple  (3)

 

(1) L’inéluctable heure de vérité pour la démocratie aux Etats-Unis, Le Monde, 3 août 2023

(2) Au Maroc, un homme condamné à cinq ans de prison pour « offense à la monarchie » après des posts sur Facebook, Le Monde, 3 août 2023

(3) Monia Ben Hamadi, Tunisie : après deux ans de pleins pouvoirs, Kaïs Saïed toujours populaire et populiste, Le Monde, 26 juillet 2023

La théorie des clivages sociaux

Le schéma théorique développé par Stein Rokkan et Seymour Martin Lipset sur les clivages sociaux demeure à ce jour la grille de lecture principale du système socio-politique belge.

Selon ces auteurs, l’évolution politique de l’Europe fût historiquement affectée par trois révolutions successives : la révolution nationale, la révolution industrielle et la révolution internationale. Les deux premières coupent le système politique dans  un plan qui suit deux axes conflictuels : un axe « territorial-culturel » et un axe « fonctionnel ». La révolution nationale fait apparaître, dans la dimension fonctionnelle, la contradiction Eglise/Etat, et dans sa dimension territoriale-culturelle, la contradiction centre/périphérie. La révolution industrielle, quant à elle, engendre la contradiction entre les possédants/travailleurs dans la dimension fonctionnelle et la contradiction secteur primaire/secteur secondaire dans la dimension territoriale-culturelle. L’histoire de l’Europe depuis le début du XIXème siècle se résume à l’évolution de l’interaction entre ces deux processus révolutionnaires.

Ces quatre contradictions engendrent alors des conflits fonctionnels à caractère suprastructurel (conflits philosophiques) ou à caractère infrastructurel (conflits de classe), ainsi que des conflits territoriaux à caractère suprastructurel (conflits communautaires) ou infrastructurel (conflits avec le monde rural marginalisé par une économie urbaine industrielle).

Enfin, l’institutionnalisation de ces grands conflits engendre à son tour quatre clivages fondamentaux sur les versants desquels s’enracineront des familles politiques porteuse d’un projet spécifique.

Cette théorie constitue à l'heure actuelle, la meilleure clef d'analyse du système politique belge qui est caractérisé par l'existence de trois grands familles politiques - chrétienne, libérale et socialiste - quadrillant l'ensemble de la société civile et organisant en "mondes" parallèles (constitués en partis, de syndicats, de mutuelles, d'organisations de jeunesse, voire d'associations sportives et culturelles). Ce processus de stratification verticale trouve son origine dans la formation et le recoupement de trois clivages fondamentaux: clérical/anticlérical, centre/périphérie et possédants/travailleurs.

Ces trois axes de conflits qui s'entrecroisaient et maintenaient l'équilibre ont été transformés en axe de conflit communautaire au départ duquel tous les problèmes sont à présent débattus. Il s'agit là d'un changement radical et non négligeable dans l'équilibre classique dans la gestion du pays.


Pour aller plus loin

S. ROKKAN et S.M. LOPSET, "Party systems and voter alignements: cross-national perspectives", New-York, Ed. The Free Press, 1967, 554 p.

D.-L. SEILER, "Partis et familles politiques", Paris, PUF, Collection "Thémis science politique", 1980, 440 p.

Le boycott culturel d’Israël par BDS

28/04/2019 Commentaires fermés sur Le boycott culturel d’Israël par BDS By CERSP

Une initiative du PACBI

Le boycott culturel international d’Israël est une initiative lancée par un collectif regroupant des universitaires, artistes et autres intellectuels palestiniens, le PACBI[1], à la suite du Forum des ONG de Durban de 2001. Co-fondé par Omar Barghouti, il demande à la communauté internationale de boycotter l’ensemble des activités culturelles ou festives organisées en Israël, allant des festivals cinématographies à des expositions d’art, en passant par des performances musicales et de danses, conférences, etc., ainsi que les manifestations internationales commanditées, financées ou parrainées par Israël.

Le PACBI exhorte les travailleurs culturels internationaux(artistes, écrivains, cinéastes) et les organisations culturelles, y compris les syndicats et les associations, dans la mesure du possible, à boycotter et/ou à œuvrer en faveur de l'annulation d'événements, d'activités, d'accords ou de projets impliquant Israël, ses groupes de lobbying ou ses institutions culturelles, ou qui, d'une autre manière, favorisent la normalisation d'Israël dans la sphère culturelle mondiale, blanchissent les violations par Israël du droit international et des droits des Palestiniens ou violent les directives du BDS.

Source: PACBI Statement: "Guidelines for the International Cultural Boycott of Israel ", July 2014 (trad. libre)

Trois axes

Les lignes directrices édictées par BDS pour le boycott culturel international d’Israël tournent autour de trois axes majeurs :

1. La culture permettrait d'occulter les crimes d'Israël

Par présomption, toutes les institutions culturelles israéliennes sont les complices du régime sioniste.

Les institutions culturelles israéliennes font partie intégrante de l'échafaudage idéologique et institutionnel du régime israélien d'occupation, de colonisation et d'apartheid contre le peuple palestinien. Par leur silence ou leur participation active, ces institutions sont clairement impliquées dans le soutien, la justification et le blanchissement de l'occupation israélienne et le déni systématique des droits des Palestiniens.

F.A.Q.: "How are Israel cultural institutions complicit in Israeli violations of Palestinian rights? " (trad. libre)

BDS interdit à quiconque le droit d’assister ou de participer à des activités culturelles réalisées sur le territoire israélien (par ex. l’Eurovision 2019, Gay-Pride, etc.) car cela contribue « à donner la fausse impression qu’Israël est un pays normal ».

2. La culture serait un outil de propagande (Hasbara)

La culture est exclusivement perçue comme un instrument de propagande visant à donner une image positive d’Israël (Hasbara). Elle ferait partie d’un vaste plan marketing ourdi par les plus hautes instances de l’Etat hébreu pour redorer son blason à l’étranger[2]. BDS interdit dès lors à quiconque le droit d’assister ou de participer à des manifestations culturelles internationales (par ex. Tel-Aviv sur Plage à Paris) commanditées, parrainées ou financées par Israël ou ses officines locales car cela ferait partie de son plan machiavélique « visant à améliorer son image » et développer ainsi la « marque Israël » à l’étranger.

Pour cette même raison, BDS refuse toute collusion avec les pacifistes et intellectuels israéliens. Les élites culturelles et universitaires sont « naturellement » les fers de lance de la « hasbara » version marketing. Israël leur assigne en permanence la « mission de contribuer à la lutte contre la délégitimation en apparaissant à l’étranger comme les représentants d’une culture pluraliste, créative et dynamique »[3].

3. La culture modifierait le paradigme du conflit

La culture n’est jamais vue comme un moyen pacifiste de rapprocher les peuples. Pour BDS, le rapport entre Israéliens et Palestiniens est basé sur le paradigme oppresseur/opprimé. Les productions artistiques mixtes israélo-palestiniennes doivent être boycottées car elles contribuent « à donner la fausse impression que les parties au conflit sont égales entre elles » et viennent de ce fait modifier le paradigme originel en mettant les deux parties sur un plan symétrique, toutes deux « responsables du conflit »[4].

Toutes les activités culturelles, projets, événements et produits impliquant des Palestiniens et ou d'autres arabes d'une part et des Israéliens de l'autre et qui sont fondés sur le faux principe de symétrie entre les oppresseurs et les opprimés ou qui laisseraient entendre que les deux, colonisateurs et les colonisés, sont co-responsables du " conflit" sont des formes de normalisation intellectuellement malhonnêtes et moralement répréhensibles qui devraient être boycottées. Loin de remettre en cause le statu quo injuste, de tels projets contribuent à son renforcement.


PACBI Statement: "Guidelines for the International Cultural Boycott of Israel ", July 2014 (trad. libre)


[1] Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel

[2] Nathaniel Popper : “Israel Aims to Improve its Public Image”, Forward, October 2005.

[3] Françoise Feugas, « Derrière la vitrine culturelle, une intolérable occupation », 19 mai 2017

[4] PACBI Statement : « Israel’s Exceptionalism : Normalizing the Abnormal”, October 2011

Le boycott économique d’Israël par BDS

Contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, le collectif palestinien n’appelle pas au boycott des seuls produits fabriqués par des entreprises israéliennes dans des colonies implantées en Cisjordanie occupée mais demande aux consommateurs occidentaux de boycotter toutes les entreprises israéliennes et toutes les entreprises occidentales qui participent activement à l’économie israélienne.

« Seuls les produits des colonies sont illégaux, alors pourquoi boycotter tous les produits israéliens ? D’abord, les discriminations que nous dénonçons touchent également les Palestiniens à l’intérieur des frontières d’Israël. Ensuite, la résolution 194 de l’ONU stipule le respect et la mise en œuvre du droit au retour des réfugiés palestiniens dans leurs maisons, y compris à l’intérieur des frontières de 1948. Enfin, dans sa dimension coloniale, c’est bien l’Etat d’Israël, son armée et ses entreprises qui sont responsables et qui profitent économiquement de l’occupation de tousles territoires illégaux, de la construction du Mur, du blocus de Gaza etc. A l’époque de l’Apartheid, n’aurait-il pas été absurde de ne boycotter que les bantoustans et pas le Cap, Johannesburg ou Pretoria? ».

source : F.A.Q. de BDS: "Does BDS call for a boycott of the whole of Israel or just the illegal settlements?" (trad. libre)

Le modus operandi d'une campagne

BDS a lancé au cours de ces dernières années d’une part de grandes campagnes transnationales, considérées comme prioritaires, appelant au boycott des grandes marques israéliennes comme par exemple les gazéificateurs d’eau SodaStream, les produits cosmétiques Ahava, les oranges Jaffa, les médicaments génériques Teva, etc. et d’autre part, des campagnes internationales pour boycotter des multinationales américaines ou européennes qui ont, pour le collectif palestinien, une implication active dans l’économie israélienne comme par exemple la société de construction Caterpillar, la société de produits informatique Hewlett-Packard, etc.

Le point commun entre toutes ces campagnes est leur mode opératoire identique.

BDS est une organisation pyramidale composée de trois couches : au sommet de la pyramide se trouve le comité central BNC avec Omar Barghouti comme porte-parole. Les militants et supporters constituent, la base de la pyramide. Quant aux partenaires étrangers privilégiés, ils sont la courroie de transmission et servent de relai entre le sommet et la base.  [1]

Rôle du comité central BNC

Le BNC, au sommet de la pyramide organisationnelle du mouvement, est à l’initiative de toutes les campagnes transnationales (ex. campagnes contre Véolia, GS4, etc.) considérées comme prioritaires. C’est lui qui détermine la cible, les messages-clefs qui seront véhiculés au cours de la campagne ainsi que l’argumentaire qu’il faudra déployer auprès de l’opinion publique pour justifier la mise au ban de l’entreprise ainsi ciblée.

Rôle des représentants "officiels" locaux

Les représentants "officiels" locaux (au nombre de quarte en France: BDS France, UJFP, AURDIP et AFPS), courroie de transmission entre le sommet et les militants de la base, ont pour mission de relayer la campagne au niveau national et de s’assurer que les actions locales cadrent avec les messages fixés par le sommet de la pyramide. Ils leur fournissent du matériel militant (tracts, modèle de lettres de protestation, autocollant, etc.) et recommandent aux acteurs locaux d’éviter la dispersion et de se concentrer sur quelques cibles.

« Des milliers d’entreprises de tous les pays commercent, échangent et investissent avec des centaines d’entreprises israéliennes, participant au bien être de ce pays colonial, sans se soucier d’aucune obligation ni des droits des Palestiniens. Essayer de boycotter activement chaque entreprise qui collabore à l’apartheid israélien est voué à l’échec en terme d’effet concret. Pour qu’elle soit efficace, une campagne de boycott doit être ciblée, stratégique, argumentée, qu’elle ait une chance de gagner, qu’elle soit utilisée collectivement, si possible à l’échelle mondiale, et sur le long terme. C’est pourquoi, les Palestiniens eux-mêmes recommandent aux campagnes nationales BDS de choisir un nombre limité de cibles de boycott et de concentrer leurs efforts sur ces cibles. Les Palestiniens connaissent bien les sources de leurs souffrances et nous font les meilleures recommandations pour une campagne BDS efficace ».


site internet de BDS France : « Que boycotter ? Tous ensemble dans la campagne internationale BDS», janvier 2018.

Ils diffusent ensuite le compte-rendu des actions locales sur les réseaux sociaux. Les victoires engrangées au niveau national remontent, elles, vers le BNC qui les publie sur le site internet officiel du mouvement (www.bdsmovement.net).

Rôle de la base

Les militants et supporters locaux, à la base de la pyramide, sont chargés d’animer les actions sur le terrain qui se matérialisent majoritairement de la manière suivante :

  • Ils tiennent des stands d’information et mènent des actions de protestation devant ou à l’intérieur même des supermarchés et des grands magasins pour alerter les consommateurs sur les produits étiquetés Israël « impropres à la consommation »;

  • Ils font circuler des listes éparses de divers produits à boycotter sur les réseaux sociaux. Une application mobile (Buycott) a même été développée permettant aux consommateurs de détecter rapidement si un produit provient ou non d’Israël.

  • Ils interpellent les directeurs de grands magasins en leur demandant de retirer les produits étiquetés Israël de leurs rayons.

BDS encourage en théorie toutes les initiatives citoyennes spontanées.

"La Campagne BDS France fonctionne de manière souple et décentralisée. Des réunions de coordination nationale ont lieu une fois par mois, à Paris pour des raisons pratiques. Les représentants des différents membres de la Campagne y discutent de l’état de la Campagne, des objectifs, fixent des priorités, choisissent éventuellement des dates d’action nationales, qui peuvent tout à fait refléter une demande locale. Des groupes de travail sont parfois constitués par des militants des différentes organisations, sur la base du volontariat, pour coordonner telle ou telle action, ou travailler sur un sujet particulier. Les décisions se prennent au consensus dans un esprit unitaire. Les organisations membres de la Campagne paient chaque année une cotisation. Pour les aspects techniques, et par souci d’efficacité et de réactivité, un petit groupe de coordination a été mis en place et organise la vie pratique de la Campagne, fait le lien avec le local, propose des outils et des actions et suit les affaires juridiques. Ce groupe est composé de militants des différentes organisations et associations et il est basé sur un principe de volontariat. Les membres du groupe de coordination sont amenés à tourner régulièrement, mais dans un souci de continuité et d’efficacité sur le long terme."

Source : site internet de BDS France: "Qui sommes-nous?"

Les campagnes de boycott permettent de mettre en perspective la structure et l’organisation pyramidale du mouvement. Dans la pratique, les campagnes de boycott ne sont pas aussi spontanées que ne le prétend BDS. Les grandes campagnes transnationales sont initiées, organisées et structurées par la couche supérieure du mouvement, le BNC. Les campagnes nationales sont, elles, supervisées par la couche intermédiaire, les représentants "officiels" locaux qui sont chargés d’encadrer les acteurs locaux sur le terrain. La strate inférieure du mouvement, composée de militants et supporters locaux, ne dispose que d’un faible pouvoir de décision, au mieux un pouvoir de suggestion.


[1] CERSP : "Organisation générale de BDS"

Le message de BDS

26/02/2019 Commentaires fermés sur Le message de BDS By CERSP

Quel est le message que BDS entend envoyer à la communauté internationale? Un examen comparatif des différentes campagnes de boycott orchestrées ses dernières années par le collectif palestinien BDS nous permet de dégager ses deux thématiques centrales et, partant, de décrypter son message.

Le thème de la colonisation judéo-israélienne

BDS décrit dans toute sa communication Israël comme un Etat colonial c’est-à-dire comme une création fictive des puissances occidentales qui auraient importés « leurs » juifs (principalement européens et américains) dans la région pour y maintenir leur domination économique, culturelle et politique. BDS ne considère donc pas le sionisme comme un mouvement de libération nationale du peuple juif mais le décrit comme une entreprise coloniale criminelle. En résumé, pour BDS la présence juive sur une partie du territoire de la Palestine historique n’est pas légitime. (1)

Le thème du racisme

BDS décrit également dans toute sa communication Israël comme un Etat d’apartheid. Sa reconnaissance par la communauté internationale « en tant qu’Etat juif » est une erreur historique car « elle contient inévitablement la légitimation d’un régime dans lequel l’appartenance ethnico-religieuse ou raciale de quelqu’un constitue le critère de base pour un système institutionnel universel de ségrégation tenant à privilégier les uns et à discriminer les autres » (2). Pour BDS, le crime d’apartheid, le caractère juif de l’Etat d’Israël, se situe donc dans la conception même de l’Etat. (3)

Le vocabulaire lié aux deux thèmes

Les deux thèmes qui tournent en boucle dans toutes les campagnes de boycott peuvent être illustrés par le vocabulaire particulièrement belliqueux utilisé par le collectif palestinien à l’encontre de son adversaire. Israël y est décrié ad nauseam comme un Etat « raciste », « d’apartheid », « voyou », « criminel » mais aussi« assassin et tueur d’enfants » (4). Les expressions comme « régime d’oppression coloniale », « domination », « exploitation », « épuration ethnique » voir même « génocide » sont fréquemment utilisées pour décrire le régime sioniste (5).

Le message de BDS à la communauté internationale

Il devient ainsi possible de décrypter le message que le collectif palestinien entend faire passer à la communauté internationale : Israël, en tant qu’Etat juif, est illégitime puisqu’il s’agit d’une entreprise coloniale criminelle qui se rend coupable du crime d’apartheid.

Stratégie et message

La campagne BDS ne vise pas seulement l'économie israélienne, mais remet en cause la légitimité d'Israël, en tant qu'État colonial et d'apartheid, en tant que membre de la communauté internationale. Par conséquent, des efforts sont nécessaires non seulement pour promouvoir un vaste boycott des consommateurs, mais également dans les domaines universitaire, culturel et sportif.

Source: First Palestinian Conference for the Boycott of Israel, summary report, novembre 2007

C’est donc le projet sioniste qui est clairement dans la ligne de mire de B.D.S. L’idée d’un Etat-Nation où les Juifs du monde entier disposeraient d’un droit au retour et où le régime politique assurerait à la population juive d’être majoritaire, doit être abandonné par les Israéliens car il induit de facto la négation des droits humains des Palestiniens et empêche leur autodétermination. La mise au ban d’Israël par l’ensemble de la communauté des Nations a pour objectif de contraindre les Israéliens à renoncer au caractère juif de leur Etat, seule condition pour que les droits humains des Palestiniens soient enfin respectés.


(1) CERSP: "Que veut-dire "colonisation" pour BDS?"

(2) Voir notamment à ce sujet la Charte de l’association américaine US Campaign for Palestinian Rights (USCPR), un des partenaires américaines de B.D.S., qui stipule ce qui suit : « We stand against Zionism as a political system that privileges the rights of Jews over the rights of others ».

(3) CERSP : "Que veut-dire "apartheid" pour BDS?"

(4) Pour le B.A.C.B.I. par exemple, les enfants palestiniens sont tout particulièrement visés par l’oppression israélienne. Voir notamment à ce sujet : Herman De Ley : « Le boycott d’Israël (BDS), un devoir moral », BACBI-Dossier N° 3, p.7

(5) "Cartographie des actions militantes en France", Les Cahiers du CERSP, 4/2019

Que veut dire « apartheid » pour BDS ?

BDS qualifie Israël dans toute sa communication non pas d’Etat sioniste mais d’Etat d’apartheid. Ce terme fait bien évidemment directement écho à la lutte contre la ségrégation raciale en Afrique du Sud qui est une constante au sein du mouvement national palestinien.

Pour BDS, le boycott d’Israël est un devoir moral

Il existerait tout d’abord un apartheid à l’intérieur même de l’Etat hébreu puisque les droits des Juifs n’y sont pas les mêmes que les droits des non-Juifs. Il existerait ensuite un apartheid extérieur puisque le droit de retour est autorisé pour les Juifs mais interdit pour les Palestiniens. Ainsi la loi israélienne confère aux Juifs du monde entier le droit d’entrer en Israël et d’obtenir la citoyenneté israélienne, quel que soit leur pays d’origine alors que les Palestiniens sont privés d’un droit comparable. Il existerait un apartheid extérieur encore dès lors que les droits des 350.000 colons juifs sont différents des droits des Palestiniens en Cisjordanie occupée puisque les premiers sont soumis au droit civil israélien alors que les seconds sont régis par le droit militaire.

Le boycott d’Israël serait donc pour le collectif palestinien comme pour ses soutiens occidentaux[1] un devoir moral.

Le crime d’apartheid en droit international

En accolant systématiquement le qualificatif « d’apartheid » à l’Etat d’Israël, le message que BDS entend faire passer à la communauté internationale va cependant bien au-delà de la simple référence à l’apartheid sud-africain.

Pour le collectif palestinien, la reconnaissance par la communauté internationale de l’Etat d’Israël « en tant qu’Etat juif » est une erreur historique car « elle contient inévitablement la légitimation d’un régime dans lequel l’appartenance ethnico-religieuse ou raciale de quelqu’un constitue le critère de base pour un système institutionnel universel de ségrégation tenant à privilégier les uns et à discriminer les autres » [2]. Pour BDS, le crime d’apartheid, le caractère juif de l’Etat d’Israël, se situe donc dans la conception même de l’Etat.

Or l’apartheid est considéré par le droit international comme le deuxième crime le plus grave contre l’Humanité (le génocide étant le premier). Le crime international d’apartheid est défini dans l’article II de la Convention internationale de 1973 sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid qui énonce ce qui suit : « L’expression « crime d’apartheid », qui englobe les politiques et pratiques semblable de ségrégation et de discriminations raciales, telles qu’elles sont pratiqués en Afrique australe, désigne les actes inhumains indiqués ci-après, commis en vue d’instituer ou d’entretenir la domination d’un groupe racial d’êtres humains sur n’importe quel autre groupe racial d’êtres humains et d’opprimer systématiquement celui-ci ». Il est également repris à l’article 7 du Statut de Rome établissant le cadre légal de la Cour pénale internationale qui indique ce qui suit : « Par « crime d’apartheid », on entend des actes inhumains …commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime.

Tract de BDS à l'occasion de la "Semaine Internationale contre l'apartheid israélien"

Le véritable message de BDS sur l'apartheid n'est pas celui que l'on croit

En d’autres termes, pour le collectif palestinien et ses soutiens occidentaux, le fait pour les Juifs d’avoir un Etat au sein duquel ils seraient majoritaires et où ils auraient un droit exclusif au retour est constitutif d’un crime aussi grave que le crime nazi.

Tel est plus que probablement le message subliminal que BDS entend faire passer à la communauté internationale lorsqu’il accole le terme « apartheid » à celui de l’État d’Israël. L'utilisation de ce qualificatif n'a donc en réalité strictement rien à voir avec la lutte contre la ségrégation raciale en Afrique du Sud.


[1] Herman De Ley :” Le boycott d’Israël
(BDS), un devoir moral”, BACBI-Dossier N° 3, 2017.

[2] Voir notamment à ce sujet la Charte de l’association américaine US Campaign for Palestinian Rights (USCPR), un des partenaires américaines de B.D.S., qui stipule ce qui suit : « We stand against Zionism as a political system that privileges the rights of Jews over the rights of others ».

Que veut dire « colonisation » pour BDS

Le droit international considère les colonies israéliennes implantées à l’intérieur des territoires palestiniens occupés par Israël depuis la guerre des Six Jours de 1967 comme illégales. Le processus de paix entamé à Oslo devait en principe aboutir à restituer ces territoires palestiniens à l’Autorité Palestinienne et régler le sort de la plupart des colonies. On sait ce qu’il en est advenu.

C’est exactement au moment où les deux « partenaires pour la paix » fermaient la porte à la paix qu’un nouveau collectif palestinien a émergé sur le devant de la scène. BDS qui prétend parler au nom de la société civile palestinienne a lancé en 2005 un appel à la communauté internationale pour boycotter intégralement Israël jusqu’à ce que ce dernier honore ses
obligations de respecter les droits humains des Palestiniens et le droit international
.

A partir de quand débute l'occupation et la colonisation?

Le seul problème est que BDS qui prétend inscrire son combat dans le cadre du droit international situe la colonisation judéo-israélienne des territoires palestiniens non pas depuis 1967 mais depuis la Déclaration Balfour de 1917. Le collectif palestinien rappelle ainsi que la déclaration Balfour a « soutenu et enraciné la colonisation de
la Palestine. Elle a jeté les bases de la Nakba de 1948, du nettoyage ethnique de la majorité du peuple autochtone de la Palestine par le bras des milices sionistes relayées par les forces israéliennes pour établir une majorité juive
en Palestine. Du point de vue de ses victimes palestiniennes, cette funeste déclaration du gouvernement britannique,
publiée dans une arrogance typiquement coloniale et profondément ancrée dans le racisme à l’égard des populations non-européennes, a constitué une déclaration de guerre contre notre peuple. Elle a facilité et tenté de légitimer l’établissement d’un « foyer national » juif en Palestine, dépouillant les Palestiniens de leurs droits nationaux et politiques et donnant naissance, finalement, à un État colonial de peuplement et d’apartheid israélien qui privilégie les droits de colons juifs majoritairement européens sur les droits de la majorité palestinienne indigène »
[1].

La référence historique de BDS n’est donc pas la colonisation israélienne apparue en Cisjordanie après la guerre des Six jours (1967) mais la colonisation juive de la Palestine depuis la Déclaration Balfour (1917) comme cela est représenté par sa carte géographique officielle.

la carte officielle de la Palestine pour BDS

Les effets induits de ce recadrage historique 

Le « recadrage » historique de la colonisation judéo-israélienne permet d’expliquer le positionnement particulier du collectif palestinien sur Israël et le sionisme. BDS décrit dans toute sa communication l’Etat d’Israël comme un Etat colonial c’est-à-dire comme une création fictive des puissances occidentales qui auraient importés « leurs » juifs (principalement européens et américains) dans la région pour y maintenir leur domination économique, culturelle et politique. BDS ne considère donc pas le sionisme comme un mouvement de libération nationale du peuple juif mais le décrit comme une entreprise coloniale criminelle. En résumé, pour BDS la présence juive sur une partie du territoire de la Palestine historique n’est pas légitime.

BDS est-il un partenaire de la Paix?

On comprend maintenant nettement mieux ce que veut dire BDS lorsqu’il revendique dans sa charte « la fin de tous les territoires arabes occupés ».  La fin de l’occupation et de la colonisation de l’ensemble des territoires arabes réclamée par BDS va à l’encontre de la position officielle de l’Autorité Palestinienne, seul représentant légitime du peuple palestinien, puisqu’elle ne vise pas uniquement des territoires palestiniens occupées par Israël depuis 1967 (Cisjordanie et bande de Gaza qui peut également comprendre un échange mineur de territoire comparable et mutuellement accepté dans le cadre d’un accord de paix) mais comprend l’ensemble des territoires arabes actuellement contrôlés par les sionistes, y compris le plateau du Golan (territoire revendiqué par la Syrie), Haïfa et Tel-Aviv, c’est-à-dire l’entièreté du territoire actuellement sous contrôle ou sous souveraineté israélienne.

Avec une revendication comme celle-là, le collectif palestinien se place clairement en dehors du cadre du droit international alors qu’il affirme le contraire. Il est d’ailleurs peu probable qu’il puisse convaincre une majorité d’Israéliens qu’il est un partenaire de la Paix, ce qui devrait réjouir Netanyahou et les partis politiques au pouvoir aujourd’hui en Israël. Au détriment du peuple palestinien que BDS prétend pourtant représenter.


[1] Communiqué
du B.N.C. du 02/11/2017

La campagne de boycott en France

Les cahiers du CERSP publient une cartographie des actions militants de B.D.S. en France.

En France, la question du boycott de l’Etat d’Israël a investi en quelques années non seulement le champ politique (les circulaires Alliot-Marie et Mercier[1]), judiciaire (arrêt de la cour de cassation du 20 octobre 2015[2], tribunaux condamnant ou relaxant des militants pro-B.D.S.) mais également culturel (boycott de chanteurs, annulation de festivals) ou encore économique (désinvestissement de certaines entreprises françaises comme Véolia
et Orange), etc. Pour ses supporters français, le mouvement est en ordre de bataille : « Du Canada, à l'Australie en passant par l'Afrique du Sud, les Etats-Unis, l'Amérique latine et l'Europe, c'est un mouvement international, non-violent et populaire qui se développe. Syndicats, ONG, associations, Eglises, universités, municipalités, personnalités de renommée mondiale et simples citoyens se retrouvent pour défendre un même objectif : l'application du droit »[3].


[1] CRIM – AP
N°09-900-A4 du 12 février 2010
. Cette circulaire a été complétée en 2012 (CRIM-AP N° 2012-0034-A4).

[2] J-B. Jacquin : « L’appel
à boycotter Israël déclaré illégal 
», Le Monde, novembre 2015. Dans cet arrêt, la cour a confirmé la condamnation par la cour d’appel de Colmar de 14 militants de B.D.S. à € 28.000 de dommages et intérêts aux parties civiles, ainsi qu’à une amende de € 1.000 avec sursis pour chacun des militants. Il leur était reproché d’avoir participé à une manifestation dans un supermarché appelant au boycott des produits en provenance d’Israël. Pour la plus haute juridiction française, le délit de « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée » est bien constitué.

[3] Tribune publiée dans le monde : « Boycotter Israël, c’est lutter pour une paix juste », novembre 2010 en soutien à l’appel
palestinien « Boycott, Désinvestissement, Sanctions » de 2005 et signée en autre par Olivier Besancenot et Clémentine Autain. Voir également : A. Remion, « Le boycott économique, politique ou culturel d’Israël, une tendance en expansion », Le Huffington Post, août 2014.

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Les sympathisants de BDS

La branche internationale de BDS se compose de deux catégories d'acteurs: les principaux partenaires étrangers du BNC d'une part et les aficionados du collectif palestinien qui occupent le terrain de l'autre. Si les premiers nommés sont majoritairement des mouvements progressistes et altermondialistes classés traditionnellement à gauche de l’échiquier politique, il n’en va pas de même des sympathisants de BDS qui se situent d’un bout à l’autre du spectre politique.

Le point commun entre les sympathisants

Qu'est-ce qui est susceptible de réunir une organisation syndicale altermondialiste, une association caritative musulmane et un évangéliste chrétien?

Le point commun est leur anti-impérialisme, c'est-à-dire leur contestation du régime politique de la démocratie libérale.

La lutte contre l’impérialisme (que certains appellent la lutte contre le mondialisme) est une notion suffisamment vague pour rassembler des organisations et des individus que parfois tout oppose idéologiquement[1]. Dans les pays du tiers-monde, notamment les anciens pays colonisés et les pays arabo-musulmans, elle correspond traditionnellement au combat des peuples autochtones pour leur indépendance (la lutte anticoloniale) et vise à combattre l’Occident et ses valeurs. Dans les pays occidentaux, elle s’oppose principalement à la mondialisation sauvage mise en place par une oligarchie internationale qui veut maintenir sa domination économique, culturelle et politique sur les peuples[2].

La « doctrine » anti-impérialiste est le résultat d’un savant mélange entre la lutte des classes chère à Karl Marx et ce que certains penseurs[3] appellent le sociologisme, autrement dit la dérive de la sociologie moderne qui entend proposer une analyse globale de la société au départ d’un prisme qui opposerait systématiquement les dominants (« in-group ») aux dominés (« out-group »). Cette critique des démocraties libérales n’est pas uniquement l’apanage des mouvements altermondialistes mais trouve un écho favorable auprès d’organisations et d’individus qui se situent à l’autre extrémité de l’échiquier politique qui sont ouvertement anti-impérialistes (par ex. les adeptes chrétiens de la théologie de la libération).

Si on devait résumer leurs propos, on pourrait dire que ceux qui se retrouvent aujourd’hui dans le courant de pensée anti-impérialiste sont tous contre la démocratie représentative, les États-Unis, l’Europe libérale et Israël.

Ce qui a pour effet quasi mécanique de placer la majorité des sympathisants de BDS à l’extrémité d’au moins un des trois clivages suivants :


[1] Ainsi par exemple sur l’échiquier politique français, les partis politiques de la gauche radicale (F.I., P.C., NPA, etc.), Ecolo, l’aile gauche du PS, la droite souverainiste (du style Dupont-Aignan) et l’extrême-droite (R.N.) se proclament aujourd’hui tous ouvertement anti-impérialistes.

[2] Pour illustrer cette lutte contre
le mondialisme, voir par exemple sur la toile la déclaration finale du
forum mondial organisé à Durban en 2001 signée par 1.500 ONG.

[3] Voir notamment P. Val, Malaise
dans l’inculture
, Grasset, Paris, 2015 ; R. Boudon, La logique du
social
, Pluriel, 1983 ; R. Aron utilise également ce terme.

Le réseau international du BNC

Le comité central BNC a référencé sur le site internet du mouvement, la liste, par pays, des organisations qui sont ses principaux partenaires à l'étranger. Le BDS International.

Typologie des partenaires étrangers

BDS prétend que "des milliers d'organisations et de groupes font partie du mouvement mondial BDS".  Bien que cette information soit totalement invérifiable, un examen attentif de la liste publié par le BNC permet de catégoriser les partenaires étrangers stratégiques en cinq grands ensembles :

a) Des organisations et associations altermondialistes

Ont par ex. signé la Charte de BDS France des organisations et partis politiques de gauche radicale (Nouveau Parti Anticapitaliste (N.P.A), Front de Gauche (englobé aujourd’hui dans La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon), des organisations syndicales (CGT.-INRA, CGT Educ’action, Confédération Nationale du Travail - CNT, Confédération paysanne, Union syndicale Solidaires) et des organisations altermondialistes (ATTAC France, Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique (FASE), Organisation Communiste Libertaire).

b) Des organisations « communautaristes"

Ont par ex. signé la Charte de BDS France: Collectif des Musulmans de France (CMF), Association des Travailleurs Maghrébins en France (ATMF), Association des Tunisiens en France (ATF), Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), Font Populaire Tunisien en Ile de France, Mouvement Immigrations Banlieues (MIB), Union Française des Consommateurs Musulmans.

c) Des organisations juives antisionistes:

Ont par ex. signé la Charte de BDS France: Union Juive Française pour la Paix (UJFP), Réseau Juif International Antisioniste – IJAN (FR), Collectif judéo-arabe et citoyens pour la Palestine en France.

d) Des « amicales » pro-palestiniennes (groupes de solidarité):

Ont par ex. signé la Charte de BDS France: Association France-Palestine Solidarité – A.F.P.S., Intifada 76, etc.

e) Des organisations et associations religieuses

Ont par ex. signé la Charte de BDS France. Commission Proche-Orient de Pax Christi, Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM), etc.

Les partenaires principaux français

Il y en a quatre pour la France:

  • BDS France : coalition de plus de 60 organisations nationales et comités locaux qui ont lancé un appel pour une campagne de boycott en France.

  • Union Juive Française pour la Paix (UJFP) : association qui se présente comme "militant pour le droit au retour et contre l'impunité israélienne". Le nombre de ses membres adhérents n'est pas public.

  • Association France Palestine Solidarité (AFPS) : association qui se présente comme "dédié à la lutte pour les droits du peuple palestinien, à travers le plaidoyer et les campagnes incluant le BDS". Elle affirme compter près de 5.000 membres répartis dans 100 groupes locaux en France mais cette donnée n'est pas vérifiable.

La majorité des partenaires référencés par le BNC sont des mouvements progressistes nationaux et internationaux. La mouvance altermondialiste est ainsi indubitablement la mouvance dominante au sein de la branche internationale de B.D.S.